Swan faillit louper le wagon, mais grâce à ses jambes et à sa réactivité, il put monter à bord avant que les portes ne soient totalement closes. Il jeta un coup d'œil à sa montre pour vérifier l'emplacement des aiguilles et fut plutôt fier de constater qu'il n'arrivera pas assez tard pour gêner le sommeil réparateur de sa colocataire. Il se tint aux anneaux et avança jusqu'à rejoindre un siège libre près d'une jeune femme d'origine asiatique. Il la salua poliment d'un signe de tête et posa son sac à dos sur ses cuisses, puis le serra tout contre lui. La journée avait été fatigante, ajouté à cela le fait que ses insomnies ne s'étaient pas amenuisées après son déménagement. Des poches avaient commencé à se former sous ses yeux, et cela lui donnait peut-être quelques années supplémentaires quand il avait eu pour habitude d'effacer les signes du temps jusqu'alors.

C'était l'heure de pointe, et à chaque station la population ne cessait d'affluer à l'intérieur. Certains venaient de terminer leurs horaires, d'autres se rendaient sur leur lieu de travail. Les conversations fusaient mais ne vinrent pas bouleverser le calme recherché par l'étudiant bien longtemps. Ce dernier sortit son casque et le plaça sur ses oreilles avant de brancher le fil à son téléphone portable. Il navigua sur l'écran tactile avant de mettre une playlist en lecture. Il ferma les yeux pour faire encore plus abstraction des mouvements de va-et-vient des habitants de Washington, et s'enferma définitivement dans sa bulle. Il n'avait pas le temps de se soucier de ce qui l'entourait, il restait un homme atrocement seul malgré les qualités qui le qualifiaient. Exempté d'une famille, il avait appris à faire avec, à vivre avec, et à ne compter que sur quelques amis fidèles.

Il ne pouvait dire combien de temps il était resté ainsi, juste qu'il avait jeté un dernier coup d'œil sur l'écriteau de la dernière station à laquelle le wagon s'était arrêté avant que les lumières ne commencent à grésiller, s'éteignant, s'allumant à nouveau avant de plonger l'habitacle dans le noir, suivi d'une secousse brute mais légère qui annonça l'arrêt complet du voyage. Le silence régna, les regards se dirigèrent vers le plafond et l'extérieur. Swan retira son casque et les murmures commencèrent à envahir l'espace. Excusez-moi, articula-t-il avant de passer un bras devant l'asiatique à ses côtés. Son index appuya sur le bouton d'urgence, mais rien n'y fait. Il essaya une fois de plus, et insista encore, mais toujours rien. Le levier de Washington DC semblait être désactionné. La panique n'avait pas encore gagné les rangs, seule l'inquiétude se dessinait sur les visages; et sur le sien aussi.

Il se leva alors, porta son sac contre sa colonne et se dirigea vers les portes métalliques, contournant les corps stoïques de nombreux citoyens qui stagnaient dans l'allée centrale. Emporté par l'espoir que cela fonctionne, il décida de tenter le tout pour le tout en posant ses pulpes entre les blocs épais et usa de sa force pour essayer de les ouvrir, en vain. Ils étaient bloqués, et ne bougèrent pas d'un millimètre. Il soupira, fit marche-arrière, et rejoignit sa place initiale. Ca doit être une panne de courant, se rassura-t-il lui-même.