Il arriva au comptoir, le badge en main et deux valises à sa suite, et attendit patiemment que la personne de l'accueil finisse de renseigner un plausible client par téléphone pour déposer la carte magnétique sur le bureau. C'était le signe que l'aventure se terminait. Quelques mois auparavant, il avait quitté l'appartement de son responsable légal en trombe, emportant avec lui le strict minimum afin d'éviter qu'un excès de colère parvienne à lui faire perdre la raison. Il avait marché sans idée précise de l'endroit où il allait loger, et les portes de l'établissement hôtelier s'étaient ouvertes à son passage sur le trottoir. Cela n'avait pas été une évidence immédiate, mais le soleil laissait peu à peu place à la lune, et la fatigue émotionnelle ne lui offrait d'autre choix. Il s'était promis d'y rester pour la nuit, cela avait duré bien plus, au final. Il s'y était plu, mais, financièrement parlant, il fallait se faire une raison : cela ne pouvait plus durer. C'est le grand jour, commenta l'employé, tout en enregistrant le départ. Swan sourit : vous remercierez chaque membre de l'équipage pour moi.

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Le bus le déposa à un arrêt de l'arrière pays et, les valises de part et d'autre, il laissa tomber les poignées de celles-ci pour récupérer le téléphone de sa poche. Il ouvrit la messagerie, et remonta les échanges jusqu'à l'explication qu'avait donné celle qui s'était chargée de lui offrir un toit; un vrai. Ses yeux vagabondèrent sur les lignes, et furent bien plus intéressés par un passage en particulier : le trajet de sa position à la maison. Tout y était dans les moindres détails pour faire en sorte qu'il s'y retrouve car, habitué à la ville et aux immeubles, le paysage était complètement différent de celui où il avait passé le plus clair de son temps. Ce n'était pas une mauvaise chose, il avait besoin de changer d'air et de pouvoir réfléchir proprement sans que la négativité le gagne; il le devait à ses parents, il se le devait également. Il rangea alors son mobile, empoigna ses bagages et se remit en route paisiblement. Oui, il n'avait besoin de s'inquiéter de rien.

Victoria était au courant de ses recherches, et même s'il n'avait pas fait part de la conclusion à la fille aînée du Président par sécurité, il pouvait faire confiance en sa discrétion. Il n'avait pas envie de partager sa trouvaille, se gardait cette partie pour sa thèse, et il savait que la fine curiosité de la jeune femme n'allait pas être assez virulente pour le faire céder; ce qui aurait été tout autre avec Alexandra, sa meilleure amie. Cette colocation avait débuté par un quelconque hasard, dès lors qu'elle avait été au courant de la situation de Swan. Ils s'étaient rencontrés au détour d'un couloir et étaient venus à parler du déménagement de début d'année de la blonde, l'Asiatique avait renchérit avec le sien. Ça n'avait pas été plus loin, jusqu'à ce qu'un message de la plus âgée vienne avec la proposition qu'il puisse élire domicile dans l'une des chambres de sa maison. Il avait grandi auprès de la famille Miller, et n'avait donc rien à craindre à accepter.

Il n'avait pas réfléchi bien longtemps, et malgré les quelques différends des deux sœurs, une date d'emménagement avait été programmée pour aujourd'hui. D'ailleurs, il arriva très vite devant la porte et son index vint se poser sur la sonnette qui fit retentir une musique loin d'être désagréable. Ça y était, dans quelques minutes, il serait officiellement "chez lui".

La porte s'ouvrit plus rapidement qu'il n'eut cru, vue la grandeur de l'habitat sur une Victoria un peu plus campagnarde, ce qui laissa Swan stoïque l'espace d'une seconde. La sœur aînée de la famille présidentielle était connue pour ne rien laisser au hasard, d'un apprêt sophistiqué à en faire jalouser la Terre entière. Le jeune homme, bien que souvent invité entre les murs de la charmante Maison, n'avait jamais eu l'occasion de la côtoyer dans des habits plus simples. C'était une grande première, pourtant il fallut tout de même revenir sur l'essentiel : il la salua, bien évidemment. Je vais y arriver, je pense, répondit-il concernant les deux bagages qu'il leva à bout de bras, bien qu'avec un peu de mal; les livres pesaient une tonne, il fallait l'avouer. Il la remercia tout de même avant d'entrer.

Certain de ne pas avoir griffé le sol des roues usagées de ses valises, il les posa dans un coin de l'entrée, libérant ses muscles de leurs poids avant de porter un œil curieux sur l'intérieur de la demeure. Moderne et bien rangée, il se sentait déjà en sécurité et eut un souffle d'aise avant de se concentrer à nouveau sur la propriétaire et leurs premiers échanges. Il faut dire que c'était on ne pouvait plus précis, fit-il poliment malgré le ton amusé qu'il prit, et j'ai profité du paysage pendant le trajet, le changement d'atmosphère est exceptionnel, ajouta-t-il; sans compter la diversité des espèces qui devait peupler la nature alentour. Un climat serein, un bien-être, qu'il espérait pouvoir apprécier aux côtés de Victoria. Heureusement, il n'était pas un homme difficile à vivre.

La plus âgée prit naturellement les devants et exposa le plan de ce début de journée qu'il acquiesça d'un signe de tête. Attends, l'arrêta-t-il au moment où elle prit l'une des valises, prends plutôt celle-ci, échangea-t-il les bagages afin de se charger de la plus imposante en poids. Ils grimpèrent ensemble les escaliers jusqu'à l'étage où il n'eut qu'à suivre la maîtresse des lieux jusqu'à une porte de très bonne qualité et, lorsqu'elle l'ouvrit, il leva les sourcils d'étonnement. Je n'en demandais pas autant, avoua-t-il, captivé par la grandeur de la pièce et des éléments qui la composaient. Il avait toujours eu l'habitude de laisser quelques affaires dans une valise, faute d'avoir assez de place dans son armoire, mais le dressing était immense. Un bureau, articula-t-il en tournant son regard vers Victoria, presque interrogatif.

Chez son responsable légal, il avait eu pour habitude de travailler à même son lit sur son ordinateur, et n'avait jamais eu l'occasion de se poser sur une chaise, face à un plan de travail adéquat à ses études. Son attention revint sur l'ameublement puis il dit : c'est parfait. Et pour une personne cherchant la perfection dans tout ce qu'elle entreprenait, c'était un valeureux compliment, n'était-ce pas ? Clairement, Victoria avait fait le nécessaire pour que Swan se sente véritablement chez lui, et c'était gagné. Il porta la valise au milieu de la pièce, en bas du lit double avant de se tourner vers sa nouvelle alliée du quotidien. Il recula pour s'asseoir sur les draps frais et commença : alors, de quelles règles devions-nous discuter ?

Fut-ce réellement une surprise de voir Victoria sortir une liste de règles pré-réfléchies ? Aucunement. Swan l'avait toujours connue comme étant une maniaque du contrôle, et l'inverse lui aurait paru bien plus surprenant. De ce fait, il tendit volontiers la main vers cette feuille qu'il comptait déjà encadrer dans sa chambre et la parcourut aussi vite qu'il avait l'habitude de lire ses vieux bouquins papier. Il releva ses pierres foncées au moment où la propriétaire des lieux commença son bref résumé, par respect, mais surtout dans le cas où quelques détails avaient été oubliés. Une récitation loin d'être brouillon, parce que Victoria montrait une certaine aisance, une certaine accoutumance, à prendre la parole devant un public plus ou moins large; simple était l'exercice, cette fois-ci, pour la fille aînée du Président Miller. L'Asiatique ne baissa pas le regard, acquiesçant par un dandinement de la tête à chacun des points énoncés.

Tout lui semblait clair, et il avait déjà vécu une situation semblable auprès de McCarter. La demoiselle qu'il avait pour vis-à-vis savait parfaitement que le responsable légal de Swan n'avait jamais été très facile à vivre, et que les règles de vie avaient coulé tout au long de la cohabitation avec le jeune homme. Même si l'entretien des espaces communs était réalisé par une employée de maison, le reste n'était que petite chose face aux restrictions et aux obligations qu'il avait connu précédemment. L'étudiant comprit qu'il était accepté dans les parages de sa colocataire quand McCarter exigeait ne pas être dérangé trop souvent par sa présence en-dehors des moments conviviaux anotés. Les visites ? Il n'en avait jamais reçu auparavant, et aurait probablement du mal à se l'autoriser, mais cette idée l'enchantait. Se rendait-elle compte de ce qu'elle lui offrait ? Une vie remplie de normalités, une vraie !

Il attendit qu'elle termine, puis fit : du coup, je suis censé signer où ? Il acceptait volontiers toutes ces conditions, et ne comprenait pas la raison qui l'avait poussé à se confondre timidement en excuse à la fin. Il lui adressa un sourire sincère qui démontrait toute la satisfaction qui résultait du monologue qu'elle avait, longtemps avant, peaufiné. Il vint attraper le stylo coincé sur la poche de sa chemise, cliqua de son pouce sur le bouton pour faire sortir la mine d'encre et vint graphier le bas de page en signe d'approbation. L'écriture était légère, remplie d'arrondis, presque calquée d'une période ancienne. Le point final fut accompagné d'un certain bien-être, comme si la moitié de ses soucis s'était envolée. Il rangea le bic à sa place initiale et posa la feuille sur les draps du lit, juste à côté de lui, et laissa filer sa poigne vers Victoria. Officiellement colocataires, attendit-il qu'elle y réponde. C'était complètement fou. Pour sûr qu'Alexandra n'y croirait pas.

Ca allait être la première fois qu'il allait partager le toit d'une femme, mais il était certain qu'ils se respecteraient entièrement, de façon à ne pas inviter le mal aise entre eux. En parlant d'invités, est-ce que tu as déjà quelques habitués, interrogea-t-il; à comprendre des personnes qui, un jour précis, une heure précise, venaient lui rendre naturellement visite. Il n'en ferait rien, voulait simplement s'assurer de ne pas être un poids pour Victoria si, à certains moments, elle préférait qu'il se fasse plus petit. Cela pouvait peut-être devenir compliqué pour la femme qu'elle était de devoir expliquer la présence d'un homme en ses murs. Et même si la plupart de ses connaissances savait le lien plutôt fraternel qui se dégageait entre le Cooper et les Miller depuis plus d'une décennie, il était préférable d'éviter de faire monter le doute; trop de ragots commençaient à s'élever autour de la famille présidentielle. Je pourrais m'absenter, sinon, assura-t-il.

Mais, j'y pense, s'exclama-t-il soudainement, il n'y avait pas une visite guidée dans ton programme, se moqua-t-il gentiment de la façon dont elle avait si bien préparé son arrivée.

La visite des parents de Victoria ne serait aucunement une tare pour le jeune homme, puisqu'il avait appris à vivre autour de la famille Miller depuis son adolescence; douze ans, c'était l'âge auquel il avait réellement commencé à être considéré comme un membre à part entière de leur quotidien. Concernant l'amie qu'elle mentionnait, il était certain que Swan ne la connaissait pas, car Victoria n'avait jamais été proche de l'Asiatique, pas au point de lui présenter ses connaissances, encore moins les plus fidèles qu'elle comptait. Pour autant, il ne s'inquiéta pas, -il était assez sociable et avait intégré assez de manière pour ne pas causer de troubles, et l'aînée en avait bien conscience. Il hocha simplement la tête en guise d'acquiescement. Quant à lui, seule Alexandra était susceptible d'être son invitée, mais il n'était pas certain qu'elle veuille prendre le risque de retrouver Victoria, ou d'empiéter sur sa propriété; il tentera, plus tard.

Au même titre que sa vis-à-vis, il se leva et lui emboita le pas. Le home-tour débuta avec l'étage qui lui était entièrement dédié. Il laissa la parole à la maîtresse des lieux, mais à l'intérieur de lui tout était en ébullition. Bien qu'il eut peu de temps pour découvrir la salle de bain, cette dernière lui sembla immense comparée à la salle d'eau de chez McCarter qui lui avait été cédée. La prochaine porte donnait sur une chambre, et la première pensée qu'il eut fut d'en déduire qu'elle s'était trompée, que cet espace allait servir à une tierce personne, un troisième colocataire ou un membre de la famille proche de Victoria, mais il en fut autrement : une à deux personnes de son entourage pouvaient trouver refuge ici pour la nuit. Alors, elle était vraiment sérieuse quand elle avait autorisé les visites, avec pour seule restriction d'être prévenue à l'avance ? C'était démesuré. A ses yeux, rien ne semblait réel, et il aura grand-mal à pouvoir assimiler cette réalité.

Un bureau bien plus large ou une salle de sport; n'avait-elle pas oublié qu'il était un grand sportif de haut niveau ? Il pratiquait la natation depuis un certain temps maintenant, -plusieurs années-, et les entraînements étaient lourds et intensifs, pas quotidiens, mais presque. Pour sûr qu'il saurait prendre soin de cet endroit, de donner un peu de vie à cette pièce qu'elle lui avait présenté comme étant la sienne, celle dans laquelle il pouvait en imaginer l'utilité propre. Deux chambres, une salle de bain, une salle d'activité : il avait cette impression d'avoir son propre appartement dans la maison. Il se tut pourtant, parce que Victoria et lui étaient encore sur la défensive, même s'il espérait que les jours passés ensemble démantèlerait ce côté pudique installé entre eux. L'étage découvert dans les moindres détails, ce fut au tour du rez-de-chaussée séparé en deux parties distinctes : le confort d'une vie à deux, et l'ensemble de la vie privée de la plus âgée.

L'extérieur fut intéressant, et Swan y prêta une attention toute particulière. Le parcourant de son regard observateur, il calcula brièvement les mètres carrez qui entouraient la maison avant de demander : est-ce qu'il y a une personne qui s'occupe des extérieurs ? En d'autres termes, est-ce qu'elle avait prévu d'embaucher du personnel pour s'occuper du jardinage et de la tonte de la pelouse, un peu comme ceux qui se chargeaient de rendre les alentours de la Maison Blanche bien plus beau ? Il y en a de l'espace, commenta-t-il avant de se tourner vers sa colocataire, tu as prévu d'utiliser tout ça d'une façon particulière ? Toute cette pelouse n'allait pas être d'une grande utilité. Connaissant un minimum la cheffe de la meute, elle avait déjà réfléchi à quelques options. Et il était certain que Swan répondrait présent à n'importe quelle démarche, quitte à devoir dévorer quelques bouquins sur le jardinage, ou l'auto-suffisance, même sur la biodiversité.

Et si on allait se poser autour d'une boisson fraîche, proposa-t-il à Victoria, avant même qu'il n'ait pris le temps de déballer ses affaires; il avait tout son temps, après tout. Cela faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas retrouvés tous les deux; est-ce que c'était déjà arrivé, d'ailleurs ? Concrètement, ils n'avaient fait que se croiser dans les immobiliers emblématique de la ville, ou dans les rues adjacentes. La dernière fois qu'ils s'étaient assis pour déguster une tasse fut le moment où Victoria s'était inquiétée pour Swan, suite aux dires de McCarter.