Noël en famille. C’est l’un des moments préférés de James. Normalement. L’une des rares périodes de l’année où chaque membre de la famille Garrison fait l’effort d’oublier momentanément leurs différends pour le bien d’une tradition obsolète. Il ne se souvient pas d’avoir déjà autant traîné des pieds au moment de rejoindre l’appartement de ses parents le soir du réveillon, même lorsque les tensions entre Jessie et leurs parents étaient à leur comble. Les choses vont pourtant beaucoup mieux entre Elizabeth et lui, depuis son coming-out. Ils ne sont plus exactement comme avant, plus aussi proches peut-être. Une sorte de malaise subsiste, mais ils renouent des liens. Seulement… c’est encore tellement frais. Et puis, il y a Marvin. Peut-être qu’il aurait mieux fait d’organiser une première rencontre avec seulement son petit-ami et sa mère, quelque chose de plus tranquille, de plus intime. Il s’est dit qu’en les mettant en contact pour la première fois pendant une réunion de famille, tout le monde se sentirait obligé de se tenir bien. Et il regrette de tout son coeur cette décision, alors que Marvin et lui approchent enfin de la porte de l’appartement.

Il freine des quatre fers avant d’envisager seulement d’entrer et se tourne vers l’homme, pose ses mains sur ses épaules et l’embrasse brièvement. “Tout se passera bien.” souffle-t-il quand il s’éloigne, sans trop savoir s’il cherche à rassurer Marvin ou lui-même. Peut-être un peu des deux. Il hoche la tête comme s’il essayait de se convaincre de quelque chose. “Je t’aime.” lâche-t-il dans un soupir, à la manière d’un condamné à mort. Tant qu’ils se tiennent bien, qu’ils ne passent pas toute la soirée collés l’un à l’autre, ni Elizabeth ni Alexander n’auront quelque chose à redire, pas vrai ? Dans l’esprit de James, en tout cas, ne pas aimer Marvin est inconcevable. Ils doivent juste lui laisser une chance. Pas tout à fait convaincu, mais n’ayant d’autre choix que d’aller de l’avant, il s’éloigne donc de l’homme, laissant un bon pas de distance raisonnable et tous publics entre eux et ose enfin frapper à la porte, pour entrer la seconde suivante.

Sa mère les retrouve dans l’entrée, et d’un simple regard posé sur elle, James sent son coeur s’emballer. Il force un sourire et s’approche pour l’embrasser sur la joue. “Bonsoir, Maman. Joyeux Noël.” Il prend une grande inspiration, la dernière avant d’être enfin mis devant le fait accompli et tend une main vers Marvin pour attirer l’attention sur lui. “Je te présente Marvin. Marvin, ma mère, Elizabeth.” Il leur laisse quelques secondes pour échanger des politesses, mais s’interpose avant que ça ne devienne trop gênant. “Est-ce que Jules et Jessie sont déjà arrivés ? T’as besoin d’aide en cuisine ?” Il est prêt à tout pour que la soirée se passe bien. Vraiment tout.

Noël, le moment le plus critique pour moi, le plus tendu aussi. Devoir être enfermé avec la famille parfaite pendant qu’ils faisaient tous semblant d’être heureux… Bon la vérité c’était bien qu’avec James ça allait mieux, en grande partie car au final, il était un peu plus comme moi, qu’il pouvait me comprendre et c’était rassurant de se dire que d’une certaine façon nous étions enfin proche. Concernant Julianna, j’avouais que ce n’était pas encore miraculeux, mais on pouvait survivre l’un avec l’autre et ça s’arrangeait. Noël ne serait peut-être pas aussi horrible cette année. Faisant donc vaguement un effort vestimentaire, j’étais arrivé devant l’appartement des parents quand, avant de sonner, j’avais décidé d’envoyer un message à Charlie. Tentative assez vaine d’avoir enfin des nouvelles… Une fois chose faite, j’avais finalement levé les yeux vers cette porte qui cachait assez mal l’animation qu’il y avait derrière. Il y avait déjà quelqu’un et cela se confirma assez quand après avoir sonné, mon père ouvrit sur une scène des plus étranges. Il y avait ce gars que j’avais vu avec James, le mec avec qui il semblait sortir… Il était là et c’était son… On allait pas me dire que lui pouvait se pavaner avec son mec alors que moi je passais pour un désaxé ?!

Je ne voulais pas m’énerver contre James, mais c’était assez flagrant que là, à cet instant, la jalousie faisait rage dans mon cœur. « Salut. » soufflais-je simplement à l’homme qui venait de m’ouvrir alors que je m’avançais pour découvrir Cameron avec une assiette de gâteau dans les mains. Lui au moins il était au dessus de ça. M'approchant donc de ma soeur, je l’embrassais sur le front avant de m’abaisser au niveau de Cameron pour le salut, « Salut toi ! Tu viens revoir les animaux du centre quand ? Ils t’attendent ! », bon j’étais pas super bon en tant qu'oncle, genre on se connaissait pas assez pour que ce ne soit pas rapidement gênant. Me redressant donc, je reportais mon attention vers James, « Content de vous revoir tous les deux, ça faisait un moment ! » depuis l’anniversaire de James pour mon frère et depuis cette histoire d’Alice pour son copain.

M’avançant finalement vers maman, je lui demandais, sans vraiment la saluer, « Je peux cacher où ce que j’ai dans mon sac ? », j’essayais de ne pas être froid, mais c’était assez compliqué, surtout à voix basse. Surtout maintenant, car elle devait bien savoir pour il était là lui. Elle savait bien ce qu’ils faisaient et elle ne disait rien. Qu'on ne se trompe pas, j’étais heureux pour mon frère. Il le méritait, mais c’était tellement injuste, injuste pour moi. Je devais me calmer, ou boire un verre, ou deux, ça suffirait sans doute à effacer le sentiment d’amertume qui rongeait ma gorge.