Un coup d'oeil et tout à coup, tout était remis en question. Qu'est-ce qui l'avait motivé déjà, à se trouver là ? L'espoir d'une vie meilleure. La sensation que tout lui échappait lui donnait l'envie de tout casser, et de hurler, de hurler si fort que toute la ville entendrait. Et c'était sûrement ce qui l'avait motivé à se rendre là. Il savait que ce n'était ni une bonne idée, ni vraiment une mauvaise. Mais il en avait passé, des heures dans ce putain de bar, le seul endroit où il pouvait voir sa mère, et jamais trop longtemps. Il en avait passé, des heures à espérer pouvoir la voir plus souvent, la serrer dans ses bras, et la voir non déguisé. Qu'elle puisse connaître son histoire, celle de sa fille, aussi, qui avait beaucoup à offrir au monde. Voilà, ce qui l'avait motivé. Marvin avait un besoin cruel de justice, que ce monde ne lui offrait aucunement. Et qu'il n'était pas prêt à lui donner non plus. C'était ce qu'il venait chercher, ce soir.

Il avait réuni tout son courage pour se diriger vers l'entrée du centre pour Mineurs, et pour assister à cette réunion. Une réunion qui lui avait redonné de l'espoir. Il n'était pas seul. Ils étaient nombreux. Très nombreux. Et prêt à faire bouger les choses, ce qui apaisait le coeur meurtri de Marvin. Il avait l'impression que toutes ses blessures allaient être pansées par ces réunions. Qu'elles allaient devenir plus solidement fixées, comme si elles lui rappelleraient toujours ce pourquoi il se battait, mais que la douleur finirait par disparaître, abandonnée au fond de l'abîme du monde, créée par The Alternative. C'était au moment où il se levait, prêt à rentrer chez lui, presque, qu'il se trouva nez à nez avec cet homme. Cet homme qui lui faisait penser à un vague souvenir, un souvenir qu'il n'avait pas vraiment eu le temps de connaître. Et c'est en entendant sa voix, que ça le frappa.   « Je... Tom ?» chuchota-t-il en s'assurant que personne autour d'eux ne les observait ni ne les écoutait. Bordel, comment il pouvait se trouver ici ? Il trouvait ça.. Etonnant, et surtout, étonnamment fascinant.

Ignorant complètement les remarques de l'homme, il plissa les yeux pour le jauger, laissant passer un long moment avant de se reprendre et d'entrer dans son jeu. Pas totalement crétin, le Prof ! «Pas vraiment non plus.» dit-il avec un sourire, alors que ses yeux hurlaient des questions concernant sa présence ici.

Devant le visage de Tom, c'était surtout de l'étonnement qui lui venait à l'esprit. Comment pouvait-il seulement être là ? Au moins, il savait que le mari d'Astrid était vivant. Et qu'il allait bien. D'un côté, c'était presque... Rassurant pour le fils Harper qui depuis quelques temps n'avait plus de nouvelles de sa mère. Mais ça restait assez surprenant. Il ne sut s'empêcher d'offrir un sourire au mari de son ancienne voisine, avant qu'il n'ait à le suivre un peu plus loin, descendant au Rez de Chaussée avec lui.

Une fois à l'arrêt, Marvin haussa les sourcils. «Personne ne saura.» Son ton était désinvolte, décontracté. Il n'avait pas pris ça comme un ordre, pour lui, c'était une parfaite évidence. Il soupira, et repris d'un ton plus léger.
«Le but n'est pas que tu retournes à l'exil, j'imagine.» Heureusement, il n'y avait personne autour d'eux, et les précautions de Tom montraient bien qu'il n'était pas tout à fait à l'aise avec le fait de se balader comme de rien dans la ville. Mais ça n'était pas avec Marvin qu'il risquait quoi que ce ne soit.

Des questions ? Marvin en avait effectivement. «Juste une. Comment tu as fait pour revenir ?» Une leçon qu'il tirerait bien de cette conversation pour retrouver sa mère, et la faire revenir, elle aussi. Mais Tom connaissait certainement l'histoire de Madame Harper, comme à peu près toute la ville, ce qui, plus jeune lui avait causé pas mal de problèmes. Sauf que désormais, il avait sa chance. Une vraie chance de la retrouver vraiment. Et c'était la première fois que le sujet insufflait tant d'espoir qui gonflait le coeur de Marvin.

Il regardait Tom, avec mille et une interrogation en tête. En fait, il était presque émerveillé par le fait qu'il soit là, et non à courir des terres hostiles, celle qu'on leur contait dans les petits bouquins d'histoire, ou les livres de contes sur l'ancien monde, à essayer de survivre. Dans le fond, Marvin avait toujours bien aimé Astrid, et il n'avait rien contre son époux, bien qu'il n'en connaisse que beaucoup moins à son sujet. Mais soit, il avait bel et bien suivi l'affaire pour laquelle il avait éveillé les consciences avec ses actes. Et si pendant longtemps Marvin avait pensé que les actions fortes étaient inutiles, que rien ne changerait le monde dans lequel ils vivaient. Avec les jours, les mois et les années qui passaient, Marvin avait compris que c'était tout autre chose. Et que parfois, la violence était la seule réponse.

«Une fausse identité ?» Cette affaire aussi, il l'avait suivie. Mais, bêtement, il répétait ce que venait de lui dire Tom. La vérité était qu'il avait simplement pensé que les gens mentaient, jusqu'à ce qu'il découvre ce dont il s'agissait avec James. Mais il n'aurait jamais pensé que ça pouvait vraiment marcher au delà de Perfect Love. Il trouvait ça hallucinant. Il soupira, et chuchota. «Astrid aussi en a une pour elle ?» Il ne l'avait plus revue depuis un sacré moment, et il avait entendu dire qu'elle aurait été exilée. Peut-être qu'elle aussi, elle avait trouvé le moyen de revenir ?

Marvin accusait, silencieusement, les informations qui venaient. Okay, il comprenait, et d'un côté, il était heureux pour Tom qu'il puisse être revenu. Maintenant, il voulait faire revenir sa mère. Comment est-ce qu'il pouvait s'y prendre, exactement, c'était la question qui avait torturé son esprit. Et désormais, il avait la réponse sous les yeux. Il haussa les épaules et secoua négativement la tête. «C'est ma seconde ou troisième réunion, rien de plus. Et non, je n'ai pas eu d'invitation pour la suivante..» Il soupira, et releva les yeux vers Tom. «Tu étais tout seul, pendant ton exil ? Tu as croisé beaucoup d'autres gens ?» peut-être avait-il été en contact avec Maman Harper, ce qu'il espérait du plus profond de son coeur.