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Seems you have to tell me something - Ft. Victoria A. Miller 
Julianna S. Garrison

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Âge : 34 ans Nationalité : Américaine Statut Matrimonial : Veuve, 1 fils de 8 ans Métier : Ingénieure en hydraulique Lovin' my family

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Julianna S. Garrison
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Victoria avait déménagé en début d'année, une surprise aux yeux de Julianna. La jeune femme avait toujours pensé que son amie ne partirait de la maison familiale que lorsqu'elle serait en couple, et ce n'était officiellement pas le cas. Officiellement, parce qu'il en était tout autre si elle écoutait les confidences de James. Et si son frère l'avait dit uniquement pour qu'elle arrête de lui poser des questions, elle savait qu'il y avait quelque chose de vrai dans ses paroles.

Elle s'était donc décidé à aller au fond de la Virginie pour voir Victoria, sous couvert de voir là où elle vivait dorénavant. Après tout, c'était normal entre amies de se visiter ainsi, surtout que de mémoire, c'était la première fois que la jolie blonde avait son propre chez elle, rien qu'à elle. Julianna était véritablement curieuse de ce qu'elle allait pouvoir y voir, de comment Victoria avait organisé les choses.

Elle avait donc confié Cameron à ses parents - le petit garçon avait école et elle préférait de toute façon qu'il ne soit pas là pour leur discussion d'adultes - et avait pris le train. C'était sa première journée sans son fils depuis le décès de son mari, et elle avait presque envie de harceler ses parents de messages pour être sûre que tout allait bien. Pas qu'ils soient de mauvais parents ou grands-parents, mais ils n'avaient jamais été très tendres avec elle ou ses frères, et elle espérait qu'ils ne seraient pas trop durs avec son fils. Qu'elle surcouvait trop à leurs yeux - mais qu'y pouvait-elle si elle ressentait le besoin de leur protéger le plus possible des douleurs de la vie ?

Enfin, Julianna arrivait à son arrêt, et elle descendit du train, cherchant à se repérer dans la petite ville campagnarde. C'était plus simple d'y trouver ses repères qu'à Washington même, mais elle était une citadine, habituée aux bruits et au monde, plus à l'aise dans un carrefour chargé que dans cette petite ville trop calme. Elle finit cependant par trouver son chemin, s'approchant d'une jolie maison dont l'extérieur semblait bien entretenu.

« Bonjour Victoria ! La civilisation ne te manque pas trop ? » salua-t-elle son amie quand celle-ci vint lui ouvrir.
☾ anesidora
Victoria A. Miller

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Victoria A. Miller
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Victoria avait enfin quitté le nid familial. Ce fut presque une surprise pour elle de constater qu'elle en avait eu non seulement le courage mais surtout l'envie. Et le fait de s'être vue attribuer une maison à la campagne n'avait fait qu'accéler les choses. Elle s'était installée très récemment, et n'avait même pas vraiment terminé de complètement aménagé son intérieur. Mais elle était chez elle, et cette pensée l'effrayait autant qu'elle la rendait heureuse. Chez elle, loin du bruit, loin de la civilisation, mais assez bien desservie par les transports pour pouvoir se rendre facilement au travail et en ville. C'était un compromis parfait pour elle.

La maison était grande, peut être même un peu trop pour Victoria, mais agréable. Sur deux étages, ce n'était pas une villa - elle avait expressément demandé une maison et un terrain de taille modeste - mais il était évident que cette maison avait été construite pour une grande famille. L'extérieur était déjà bien aménagé au goût de Victoria et, le plus important, elle se sentait déjà chez elle. Emmitouflée dans un plaid, un chocolat chaud posé à côté d'elle et sa tablette sur les genoux, elle profitait simplement du calme pour écrire. Et elle sursauta presque violemment lorsqu'une présence se manifesta à sa porte d'entrée. Elle n'attendait personne, c'était évident, et sa tenue bien trop décontractée le prouvait bien. En pyjama, profitant d'un jour de congé que ses collègues l'avaient forcé à prendre pour pouvoir s'installer dans son nouveau chez elle, elle se leva pour ouvrir la porte.

Un sourire s'installa sur ses lèvres. "Quelle belle surprise !" dit-elle, avant de rire très légèrement en secouant la tête. "Crois-moi, la civilisation peut bien rester là où elle est. Et je n'en suis pas si éloignée." Julianna était une amie de longue date. Celle que Victoria pouvait qualifier de "meilleure" amie, d'ailleurs, et elle perdait avec elle un peu de sa droiture au profit d'une attitude plus naturelle. Elle l'a fit donc entrer, refermant la porte derrière elle avant de lui indiquer le salon. "Tu veux boire quelque chose ? Je me suis fait du chocolat chaud, il en reste un peu. Ou du café, si tu préfères." Elle attendit de savoir ce que Julianna voulait, le lui apporta et se réinstalla sous son plaid, dans son canapé, les jambes ramenées vers elle. "Je suis contente de te voir. Pardonne ma tenue, je n'attendais pas de visite."
Julianna S. Garrison

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Julianna pensa un peu tard qu'elle aurait sans doute dû prévenir Victoria de sa visite. Depuis qu'elles étaient devenues adultes, elles avaient cessé leur journées en pyjamas confortables, avachies dans un de leurs lits, à papoter et refaire le monde. Et voilà qu'elle tombait sur sa meilleure amie chaudement vêtue de pilou pilou - et Julianna la connaissait assez pour savoir qu'elle aimait vraiment cette matière, et que ce n'était pas juste dit à l'hiver plus froid en campagne qu'en ville.

« J'imagine que tu es prête à oublier la civilisation pour pouvoir porter des pyjamas toute la journée » plaisanta-t-a la brunette. « Ça me rappelle de vieux souvenirs ! »

Si elle avait su, elle aurait ramené le sien. Celui qu'elle gardait précieusement pour les journées pyjama avec Cameron. Quand aucune exposition ne les intéressait, qu'il faisait trop froid pour aller au parc, ils restaient parfois tous les deux à la maison, à jouer, boire du chocolat chaud et parler de leur semaine. Des moments mère-fils privilégiés, qui leur faisaient du bien.

« Un chocolat chaud m'ira très bien » accepta Julianna tout en s'asseyant dans le canapé, auprès de sa meilleure amie.

Elle fit tourner doucement sa tasse entre ses doigts, les réchauffant doucement. Elle aimait le temps hivernal, mais pas le froid piquant qui glaçait jusqu'aux os... Ce genre de temps qui lui donnait envie de se rouler sous un plaid et d'attendre que la neige soit fondue, ce qu'elle ne pouvait pas faire parce qu'elle avait un travail auquel elle devait aller, et un fils à s'occuper.

« Tu te fais à ta nouvelle maison ? » demanda-t-elle en jetant un œil autour d'elles.

De ce que Julianna pouvait en voir, le salon était plutôt bien décoré, même s'il manquait encore un peu d'objets personnels ou de photo. Le genre de détails qu'on ajoutait en dernier, quand tout le reste était déjà fini. Victoria était là depuis à peine trois semaines, et elle avait encore le temps de s'installer correctement, même si le plus gros devait avoir été fait.

« J'imagine que tu ne dois pas manquer de place ici ! »

Elle passait de sa chambre à la Maison Blanche à une maison sur plusieurs étages, ce qui était un sacré changement aux yeux de Julianna. Enfin, elle, elle avait quitté la maison familiale pour l'appartement qu'elle occupait toujours, un lieu qui suffisait à sa petite famille mais était bien moins grand que cette maison de campagne. Elle n'aurait pas aimé vivre seule, surtout dans un habitat si grand, mais elle trouvait que ça allait plutôt bien à Victoria. En espérant que ce changement l'aide à un peu plus s'exprimer et ne plus se cacher derrière sa froideur habituelle.

« Tu as l'air de faire beaucoup de changements dans ta vie, ces derniers temps » remarqua Julianna.

Elle posa ses yeux sur son amie tout en sirotant son café. Elle avait prononcé ces quelques mots presque innocemment, mais elle savait que Victoria avait autre chose que ce déménagement surprise. Il y avait ce caste trois dont James lui avait parlé - plus pour sauver sa propre peau que par souci du partage -, et elle voulait voir ce que Victoria allait lui en dire...
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Victoria A. Miller

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Julianna & Victoria


« Tu me connais si bien. » plaisanta Victoria à son tour, bien qu'en énonçant une vérité. Julianna était définitivement la seule personne qui pouvait se vanter de connaître la véritable Victoria Miller, pas celle qui se cachait derrière ses masques médiatiques. Et l'évocation brève de leurs souvenirs d'adolescence renvoya à Victoria le souvenir de leurs moments de complicité et de ses longues soirées à discuter de tout et de rien en refaisant le monde ensemble. Parfois, ça lui manquait. Elle réalisait de plus en plus qu'en se jetant à corps perdu dans son travail et dans le soutien qu'elle pouvait apporter à son père, elle en avait oublié d'entretenir ses propres relations amicales. Mais voilà que Julianna lui donnait l'opportunité de se rattraper, et Victoria entendait bien en profiter pour apprécier le temps passé avec sa meilleure amie aujourd'hui. Elle alla d'ailleurs lui chercher la boisson qu'elle voulait avant de se réinstaller, avant de partager avec elle le plaid sous lequel elle s'était réfugiée.

« Doucement, mais sûrement. » répondit la blonde à la question de la brune. « C'est étrange d'avoir un chez-soi après tant d'années à vivre chez ses parents. Et terriblement reposant de ne plus croiser ma sœur. » Elle rit légèrement en s'entendant parler. Elle avait passé la trentaine, heureusement qu'elle s'était enfin décidée à quitter le domicile familial. « J'ai même un peu trop de place, à vrai dire. Cinq chambres, est-ce que tu te rends compte ? Si tu veux venir passer des vacances ici avec le petit, j'aurais largement de quoi vous accueillir ! » L'invitation était à peine cachée derrière ses mots. Elle serait plus qu'heureuse de pouvoir accueillir pendant quelques jours sa meilleure amie et son fils, ça mettrait un peu de vie dans cette grande maison. Même si Victoria adorait le calme dont elle bénéficiait désormais, un peu d'agitation de temps en temps ne pouvait pas non plus lui faire de mal.

Doucement, elle but quelques gorgées de son chocolat chaud, et manqua de s'étouffer avec la dernière. La remarque de Julianna aurait pu être parfaitement innocente, si son regard n'avait pas été braqué sur elle. « On va dire ça comme ça. » marmonna-t-elle en reposant sa tasse. « Je vois bien que tu es au courant de quelque chose, Jules. » Victoria rit légèrement, avant de soupirer doucement. Elle n'allait pas y échapper, elle le savait. Et en même temps, elle mourrait déjà d'envie de tout raconter à Julianna. « Il se pourrait que je fréquente quelqu'un. Enfin, je crois. En fait, je n'en sais rien moi-même, pour être vraiment honnête et je ne suis pas sûre d'avoir envie d'être fixée sur la question. C'est un caste trois. Je sais, c'est complètement fou, hein ? Je l'ai rencontré via Perfect Love et non, je refuse de croire que c'est un bug... Même si c'en est très certainement. Mais il est... Je me sens vivante quand je suis avec lui. Et libre. » Fréquenter un caste trois n'était pas un crime. Mais que Victoria fréquente un caste trois relevait certainement du miracle. « Et j'ai épuisé mon quota de partenaires autorisés. Enfin, de partenaires autorisés avant de perdre des points de citoyenneté. Et ne dis rien, je me sens déjà assez stupide comme ça. J'aurais dû réfléchir un peu plus, mais... Je ne sais pas, je crois que c'était le bon moment. Et j'avais certainement trop bu pour pouvoir réfléchir posément sur la question à ce moment là. » Et, l'air de rien, elle se réfugia derrière sa tasse de chocolat chaud pour éviter de faire face à la réaction de sa meilleure amie.  
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Julianna sourit doucement. Victoria et elle avaient été les meilleures amies du monde, mais elles avaient évolué de manière totalement différentes. Et voilà qu'à trente ans passés, elles se retrouvaient toutes les deux à vivre seules, pour la première fois. Les coïncidences étaient parfois plus qu'étranges, de l'avis de Julianna.

« Tu vas avoir ton intimité pour la première fois ! » sourit-elle.

Elle adorait ses frères, mais elle avait été ravie de déménager pour vivre avec son mari. Elle n'aurait pas imaginé continuer de vivre avec les deux garçons, même si elle adorait sa famille. Alors pour Victoria qui ne s'était jamais entendu avec ses cadets... Elle n'osait imaginer le soulagement qu'elle devait ressentir à arpenter seule les couloirs de cette grande maison.

« Cinq chambres ? Mais qu'est-ce que tu vas faire de tout ça ? » s'étonna la jeune femme.

Probablement pour le même prix que ce que son mari et elle avaient payé pour leur petit appartement de Washington, qui avait seulement deux chambres. L'espace était bien suffisant pour eux trois, et Victoria lui semblait bien perdue dans cet immense espace. Surtout que la jolie blonde n'avait jamais semblé avoir de rêves de familles nombreuses, ni une fratrie qui viendrait régulièrement la voir à la campagne.

« Je verrais avec Cam, mais on viendra avec plaisir prendre quelques jours ici. Merci pour la proposition ! »

Il fallait juste qu'elle vérifie avec son fils qu'il n'avait pas de rencontre prévue avec l'un de ses amis. Les vacances scolaires étaient encore assez éloignées, donc elle devrait être tranquille, mais elle préférait s'en assurer avant de confirmer les choses avec Victoria. La communication était importante pour la mère et le fils, surtout maintenant qu'ils n'étaient que tous les deux.

En attendant de pouvoir prévoir ses futures vacances, Julianna commença à investiguer doucement sur ce que devenait son amie. Cette envie de partir soudainement de la maison familiale, le caste trois dont James lui avait parlé... Beaucoup de choses changeaient autour de Victoria, et Julianna voulait s'assurer que tout allait bien, sachant combien la jeune femme n'était pas du genre à aimer autant de changements en si peu de temps. Victoria avait toujours eu besoin de ses repères.

« Victoria Miller avec un caste trois... » répéta-t-elle, hébétée.

Pour une surprise, c'était une surprise ! Surtout que leurs relations ne semblaient pas s'être arrêtées à quelques rendez-vous et de doux baisers n'engageant à rien, si elle lisait bien entre les lignes. Ce qui était plus que surprenant, venant de la blonde, d'ordinaire toujours en contrôle de la situation. L'homme devait l'avoir bien perturbée pour qu'elle soit ainsi prête à oublier toute raison.

« J'en avais entendu parler, mais je n'y croyais pas » reprit-elle en souriant. « Je suis étonnée, mais l'important, c'est que tu sois heureuse. Et s'il te fait te sentir libre et à ta place, c'est certainement parce que tu avais besoin de quelqu'un comme lui. »

Julianna était curieuse de cet homme qui arrivait à percer ainsi les barrières de son amie - surtout depuis le fiasco de la demande en mariage, quand Victoria avait semblé se verrouiller à tout pour ne plus souffrir. Que quelqu'un la fasse se sentir vivante ne pouvait que ravir Julianna, qui se souvenait encore parfaitement du bonheur qu'elle pouvait ressentir quand sa famille était encore entière.

« Comment ai-je pu louper tout ça ? Toi, assez ivre pour te laisser aller à ce que tu voulais vraiment plutôt que de te barricader derrière tes barrières » murmura la brunette.

Le pire était que James l'avait vue ainsi, et pas elle-même. Mais entendre toute l'histoire avait quelque chose de miraculeux. Et Julianna ne pouvait que se sentir heureuse pour son amie. Elle s'ouvrait au monde, et c'était le plus extraordinaire.

« T'es mignonne quand tu en parles » reprit-elle un doux sourire aux lèvres. « J'espère que vous arriverez à passer outre vos différences d'éducation ! »

Victoria avait beau sourire comme une enfant, ses yeux pétillants de joie, Julianna avait du mal à la voir oublier d'un coup tous les préjugés qu'elle pouvait avoir sur la caste trois. Il lui faudrait certainement du temps - beaucoup plus que quelques semaines - pour ouvrir pleinement les yeux sur les inégalités. Surtout pour elle, qui avait toujours parfaitement soutenu et cru en la politique gouvernementale.
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Julianna & Victoria


Victoria avait toujours eu besoin de ses repères, c'était un fait. Elle avait cette tendance étrange à rester statique même lorsque le monde entier était en mouvement et pourtant, elle avait fini par ressentir le besoin de changer certaines choses, de remettre en question certaines de ses propres croyances. Contrairement à ce que beaucoup de personnes pouvaient penser – probablement sa sœur en première ligne – Victoria n'était pas fermée au changement... elle en avait simplement peur. Sa vie avait toujours été soigneusement préparée, son chemin semblait être tout tracé. Il ne lui suffisait que de suivre les traces de son père, de s'y conformer quitte à s'y perdre elle-même. Mais elle avait fini par ne plus avoir envie de s'y perdre. Elle vouait toujours cette admiration sans limite et sans au Président, elle vouait toujours cette confiance aveugle aux idéaux et au système de The Alternative – et il s'agissait bien là de choses qui ne changeraient pas – mais elle avait envie d'essayer de voir plus loin, de penser plus loin que ce qu'elle avait déjà considéré comme acquis. N'était-ce pas, après tout, simplement de l'ambition ? Si elle voulait prétendre prendre la relève de son père lorsque le moment serait venu, n'était-il pas de son devoir de voir plus loin que ce qu'il avait déjà construit ?

Pour le moment, cependant, Victoria ne semblait pas vraiment voir plus loin que l'histoire étrange qu'elle était en train de vivre. Elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de pouvoir en parler réellement à qui que ce soit... La présence de Julianna, et sa curiosité à peine dissimulée, était finalement une belle opportunité pour l'aînée Miller de pouvoir enfin parler. Elle se faisait l'impression d'être redevenue adolescente, de songer à Jayden comme elle aurait songé à un flirt d'école – alors qu'il représentait déjà bien plus qu'un simple flirt. Il l'avait sortie de sa zone de confort, il l'avait poussée à réfléchir et à savoir ce qu'elle voulait. Et ce qu'elle voulait semblait finalement assez clair : elle le voulait, lui. Sa présence avait quelque chose d'étrangement rassurant, même s'il était immensément difficile pour elle de baisser ses barrières et d'affronter sa propre imperfection. Et les barrières, justement, elle les avait baissé plus qu'elle n'aurait cru pouvoir le faire. Même si elle était perdue, aujourd'hui, elle avait le sentiment que ce n'était pas une si mauvaise chose. Mais cela voulait-il dire pour autant que c'était une bonne chose ? Elle haussa les épaules avec un léger rire gêné face à l'écho de son amie. Oui, elle, avec un caste trois. « Il n'y a rien d'officiel. » ajouta-t-elle tout de même, s'accrochant aux étiquettes au dernier moment. « Je suis étonnée moi-même. » confia-t-elle finalement, pour toute réponse. Elle ne pouvait pas encore vraiment savoir si elle avait réellement besoin de quelqu'un comme Jayden dans son existence. Le fait était, cependant, qu'elle avait accepté l'idée que ce n'était pas une si mauvaise chose.

Le murmure de la brunette fit doucement sourire Victoria, qui fini par reposer sa tasse tout en se réinstallant plus confortablement. « Ça a été difficile. Même en ayant bu. » se justifia-t-elle, tout de même. « Mes barrières me rassurent et les avoir baissé a été... difficile. Mais peut-être que j'ai finalement plus besoin d'évoluer que d'être rassurée. » Voilà qui semblait plutôt évident, mais il lui avait fallu trois décennies pour commencer à peine à en prendre conscience. Il restait encore ses à-priori, ses doutes, ses craintes, ses propres freins qui n'allaient pas disparaître du jour au lendemain. Mais, pour le moment et depuis longtemps, elle avait réussi à être ce qui se rapprochait le plus du mot « heureuse ». Et elle leva légèrement les yeux au ciel alors que Julianna soulevait une problématique évidente en parlant de cette différence d'éducation, avant d'acquiescer. « J'espère également. Mais je pense que ce sera compliqué. » Victoria était honnête, tant avec Julianna qu'avec elle-même.  Les choses ne seraient jamais vraiment simples avec Jayden, elle ne se faisait pas d'illusions. « J'ai toujours vu les castes trois comme des personnes qui n'étaient pas assez investies pour pouvoir intégrer la vraie société. Et je le pense encore. Ils sont beaucoup à se plaindre, mais combien sont-ils à faire réellement les efforts nécessaires pour améliorer leur situation ? Notre système le permet, il encourage même les élévations sociales, je ne comprends pas qu'ils ne saisissent pas leur chance. Il est trop simple de se plaindre sans essayer de changer quoi que ce soit. » Ce discours était presque teinté de mépris. Il ne s'agissait, pourtant, que d'une véritable incompréhension.

« Je ne pourrais probablement jamais comprendre la façon dont le caste trois que je fréquente pense. Et je ne crois pas qu'il sera capable de comprendre la façon dont je pense non plus. C'est d'ailleurs ce qui me fait véritablement peur. » Victoria et Jayden venaient de deux mondes différents, et jamais ils ne pourraient comprendre le vécu et les choix de l'autre. Ça, elle l'avait bien compris et elle ne pouvait s'empêcher de se demander combien de temps encore ils parviendraient à passer outre ces différences et ces incompréhensions mutuelles.  
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Julianna observait Victoria avec curiosité, peu habituée à voir sa meilleure amie si vulnérable. Elles se connaissaient pourtant depuis longtemps, et Julianna était sans doute la personne devant laquelle Victoria se montrait la plus sincère et se révélait le plus. Mais là, avec ses yeux brillants et sa petite voix... Jules pouvait aisément dire combien ce fameux Jayden avait eu un impact sur Victoria.

« Pourquoi tu te défends si vite sur l'officialisation de votre relation ? » chercha-t-elle à savoir, un sourire amusé aux lèvres.

Imaginer la jeune politique avec un caste trois était déroutant. Un choix à l'opposé de tout ce qu'elle avait montré jusqu'alors. Ce n'était pas une mauvaise chose que Victoria se remette en question et cherche à explorer de nouvelles choses. Mais la jeune femme tenait généralement à ses repères, s'ouvrant lentement au monde le temps de prendre la température et de s'habituer aux changements autour d'elle.

Julianna laissa donc Victoria lui expliquer sa vision des choses. Son amie cherchait ses mots, la façon dont bien présenter les choses. Elle pouvait sentir combien cette relation, bien que soudaine, était importante pour elle. Victoria semblait sur le point de changer sa façon de voir les choses. Pas du tout au tout, bien sûr. Mais elle paraissait prête à réfléchir au moins un peu sur ses convictions.

« Tu sais, je ne pense pas que ce soit un manque d'investissement de leur part... Juste qu'ils croulent sous tellement de problèmes que c'est difficile pour eux de tout gérer » réfléchit Julianna, un peu secouée par les mots utilisées par Victoria. « Quand John est mort... Que je me suis retrouvée avec Cameron, avec tout l'administratif, l'organisation de la famille, les obsèques... J'étais submergée. Et c'était sur une petite période, même si ça m'a semblé très long. Alors j'imagine quand tu passes ta vie à te battre pour payer tes factures, et t'occuper de tes enfants, et gérer les fins de mois... »

Julianna avait eu, de plus, la chance d'être entourée. Par sa famille, mais surtout par sa belle-famille. Par ses amis aussi. Son travail avait également tout fait pour lui simplifier les choses pendant quelques semaines, le temps qu'elle intègre les choses. Un soutien qui ne devait pas vraiment exister, ou pas sur cette forme-là, dans les bidonvilles. Elle ne pouvait pourtant pas en vouloir à Victoria pour cette incompréhension - elle avait éprouvé la même chose, avant de le vivre un peu elle-même. C'était plus simple de se dire qu'ils avaient tout pour se motiver et sortir de leurs situations. C'était autre chose de se rendre compte combien, quand on allait mal, c'était compliqué de se saisir des bonnes opportunités.

Elle se mordilla la langue devant la confidence suivante. Toute la fragilité de Victoria s'était exprimée dans ces quelques mots, et Julianna ne pouvait que compatir à cette angoisse. Son mari était issu du même genre de famille qu'elle, ce qui avait rendu les choses faciles entre eux, mais se projeter avec quelqu'un d'autre était difficile pour elle.

« Vous allez devoir apprendre à communiquer ensemble » offrit-elle doucement. « Ne pas hésiter à demander à l'autre quand vous ne comprenez pas quelque chose, ou que vous avez un doute. »

Des conseils simples, mais qu'il était facile d'oublier quand on était pris dans une situation compliquée ou une dispute. Surtout que Jayden semblait avoir un caractère aussi fort que celui de Victoria, ce qui promettait pas mal d'étincelles. La jolie blonde avait l'air prête à faire des efforts pour cet homme, et pour que leur relation fonctionne. Il fallait juste espérer que son nouveau compagnon était dans le même état d'esprit.

« Tu en as parlé avec lui ? Voir ce que lui pense de tout ça ? » demanda-t-elle, masquant son inquiétude.

Elle espérait que Victoria n'était pas qu'une passade ou un jeu pour Jayden. Parce que la jeune femme semblait déjà bien attachée, et Julianna n'avait pas envie de la voir souffrir de nouveau. Pas comme après cette demande en mariage ratée...

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Julianna & Victoria


« Simplement parce que ce n'est pas officiel. Et que pour le moment, c'est très bien que ça ne le soit pas. » répondit-elle à sa question, avant de sourire légèrement ; « Disons que je ne veux pas me précipiter. » Comme elle avait pu le faire lors de cette soirée d'anniversaire, avec sa décision impulsive de coucher avec Jayden. Comme elle s'était emballée lorsqu'elle avait demandé son ex en mariage. Elle se défendait si rapidement sur le statut de leur relation parce qu'elle avait simplement peur de l'échec, peur que les choses ne fonctionnent pas, peur que ça ne soit que passager – pour Jayden, tout du moins. Ce n'était pas passager, pour elle, et c'était justement ce qui la forçait à vouloir défendre si rapidement le fait que rien ne soit officiel entre eux. Il était libre, et cette pensée était agaçante, si bien qu'elle se força à la chasser rapidement, sans rien montrer de ce léger trouble. Victoria noya ses pensées dans son discours rôdé, dans ce mépris palpable et pourtant inconscient des castes trois... Non pas un vrai mépris, elle avait de la peine pour ces personnes qui ne parvenaient pas à sortir de leur misère, tout en oubliant parfois qu'elle-même n'avait eu aucun effort à faire pour se retrouver dans une situation socio-économique plus que favorable. Elle en avait fait, des efforts, cependant. Sa réussite professionnelle ne tenait en rien à son nom de famille, et elle était aujourd'hui totalement indépendante financière, mais les cartes données durant l'enfance n'étaient probablement pas les mêmes que celles données à la population des bidonvilles.

Alors, elle écouta sincèrement ce que Julianna lui disait, ce témoignage d'une galère dont Victoria n'arrivait qu'à peine à imaginer le contour. « C'est difficile à imaginer pour moi. » confia-t-elle, ce qui n'était que la stricte vérité. Elle n'avait jamais eu à faire face à ce genre de problèmes. Si elle s'était battue, ça n'avait été que pour entretenir cette image de citoyenne modèle, irréprochable en tout point. Elle ne s'était jamais battue que contre elle-même, faisant de son besoin de perfection une véritable obsession. Il n'était donc pas étonnant qu'il lui soit difficile d'accepter la vision de la moindre imperfection, quand bien même les raisons pouvaient lui sembler logiques. « Mais j'imagine que tu n'as pas tout à fait tord. Ceci dit, s'ils étaient solidaires entre eux au lieu de développer leur taux de criminalité, ils auraient moins de difficultés à faire face aux épreuves. Et tu ne me feras pas changer d'avis sur ce point. » C'était parfois à se demander si Victoria s'entendait réellement parler. Elle n'était pourtant pas dépourvue d'empathie... mais il y avait des choses qui lui paraissaient trop compliquées à accepter, et le fait de ne pas se dépasser soi-même faisait partie de ces choses. Alors elle se raccrochait aux détails peut-être sordides, convaincue d'avoir raison sur ce point là. Si les gens des bidonvilles mettaient autant d'énergie à s'entraider qu'à se vautrer dans l'illégalité, les choses avanceraient pour eux. « Mes mots sont certainement durs, mais ils ont la capacité de s'en sortir. En avoir la capacité ne veut pas dire en avoir la volonté, ceci dit. Et cette volonté, le gouvernement ne peut pas l'avoir pour eux. » Si elle était prête à changer, à remettre en question certaines choses, elle n'en restait pas moins la même Victoria Miller impliquée dans le parti de son père, convaincue par la politique actuelle et ses bienfaits, et probablement un peu trop attachée au principe de méritocratie.

Mais elle avait conscience que sa façon de penser n'était pas tout à fait compatible avec celle de Jayden, ce qu'elle confia avec cette fragilité tranchant presque avec la fermeté dont elle avait fait preuve seulement quelques secondes plus tôt. Et elle esquissa un sourire face à la réponse de sa meilleure amie. « Communiquer, c'est probablement notre point faible. » Leur premier rendez-vous l'avait bien montré, le suivant n'avait pas été tout à fait tourné vers les mots. Et, entre temps, n'avait-elle pas tout simplement jouer au fantôme en ne donnant à Jayden aucune nouvelle ? « Ce qui est très ironique vu la franchise de cet homme. » dit-elle tout de même. Franchise ou stupidité, elle n'avait d'ailleurs pas réellement trancher sur la question, tandis que celle de Julianna lui fit détourner le regard. « Non. » La réponse fut précipitée, presque haletante. « Je ne suis pas certaine... Enfin, je ne pense pas que ce soit très réel, pour lui, tout ça. Je pense... Je pense sincèrement que je n'ai pas grand chose qui pourrait réussir à retenir son attention. Pas face à des femmes du même monde que lui, qu'il semble attirer sans problème. » Sa mâchoire se contracta légèrement, un peu malgré elle, alors que le son percutant d'une pointe acide de jalousie s'était fait sentir dans ses mots. Elle ne pouvait s'empêcher de songer à cette fille de leur premier rendez-vous, celle qui lui avait ostensiblement montré que Jayden était déjà convoité – et probablement pas seulement par elle. « Et je n'ai pas encore envie d'entendre qu'il n'y a rien de particulier entre nous. Je ne suis pas encore prête à accepter l'idée. Je préfère ne pas savoir. » Elle offrit à sa meilleure amie un sourire faux – ses sourires médiatiques, qui lui servaient bien plus à se protéger qu'à autre chose – avant de terminer sa tasse et de la poser pour pouvoir croiser les bras.  
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Victoria semblait ressentir une myriade d'émotions quand elle pensait à son nouveau petit-ami. Les sentiments qu'elle pouvait avoir pour lui, la peur de se rater et de souffrir de nouveau, l'envie que tout fonctionne... Des choses probablement normales, surtout après le refus de son ex-petite-amie de se marier. Julianna avait un peu de mal à tout comprendre, parce qu'elle n'avait jamais eu à affronter tout ça. Son mariage avait surtout été pour apaiser leurs familles respectives, et juste bien s'entendre leur avait suffit, toutes ces années.

Elles avaient chacune des choses qu'elles ne pouvaient pas comprendre, comme lorsque Victoria lui avoua avoir du mal à comprendre les castes trois. Sans doute parce que The Alternative n'avait jamais vraiment été proche des citoyens défavorisés, là où le Front Ecologique essayait, avec ses maigres moyens, d'aider tout un chacun. Des façons de faire totalement différentes, avec un budget infiniment différent. Julianna préférait les objectifs du Front Ecologique, dont elle était une membre, même si elle avait parfois du mal à se mettre à la place des gens les moins aisés - les Garrison avaient toujours eu de l'argent, après tout, tout comme la famille.

« Je ne comprends pas très bien non plus, parce que je n'ai jamais eu à me sortir de la galère » reprit Julianna. « Mais je pense que c'est difficile d'être solidaire quand le moindre sou est important, ou quand tu dois t'affamer pour nourrir tes enfants. »

Elle comprenait parfaitement, par contre, cette volonté farouche de protéger ses enfants envers et contre tout. Quelque chose qu'elle avait toujours ressenti pour Cameron et qui était devenu plus fort depuis que John était mort. Parce qu'il était un bébé, son bébé, et qu'elle devait préserver son insouciance et son innocence, tout en l'aidant à grandir et à devenir indépendant. Un curieux équilibre pas toujours simple à comprendre.

« Ce n'est pas qu'une question de volonté ou de capacité. Parfois, quand on est englués dans une situation, on ne peut pas voir les solutions s'en sortir. On est totalement dans les problèmes, à se sentir submerger... Que c'est compliqué de s'en sortir. Quand John est mort... J'étais contente que mes parents soient là pour faire à manger, s'assurer que Cameron joue et se défoule, vérifier que je me douchais tous les jours. Si j'avais été seule, j'aurai certainement sombrée. »

Sa voix se faisait plus fragile alors qu'elle faisait remonter les souvenirs. Elle avait détesté ces moments où elle s'était sentie si vulnérable - au point qu'elle avait disparu et s'était cachée chez ses parents, alors même qu'elle savait que ce serait la pire chose à faire. Il lui avait fallu un moment pour réussir à reprendre son fils et rentrer chez elle.

Il lui avait fallu ce drame pour en apprendre plus sur elle-même, mais peut-être que Victoria n'aurait pas besoin d'aller si loin pour comprendre combien ce qu'elle pensait était faux. Peut-être que ce Jayden pouvait l'aider à réfléchir et à avancer sur le chemin de la compréhension. En espérant qu'ils réussissent à communiquer, ce qui semblait loin d'être gagné. Julianna savait combien son amie pouvait paraître froide et sèche. C'était en tout cas l'image qu'elle donnait au monde, même si Jules la connaissait bien mieux que ça.

Se posait aussi le problème des mondes opposés dont ils venaient. Difficile de construire quoi que ce soit, quand on connaissait bien mal les origines de l'autre ou qu'on avait des a priori dessus. Ce qui amenait chez Victoria une fragilité que Julianna n'avait pas vu depuis longtemps - sans doute depuis la demande en mariage et la rupture qui en avait suivi.

« Peut-être qu'il a besoin d'un challenge un peu plus grand que les femmes qu'il fréquente habituellement ? Besoin de voir et de vivre autre chose, de plus compliqué, mais aussi de plus gratifiant ? »

Une volonté qu'elle pouvait comprendre.  Après ce mariage organisé par sa famille, elle n'avait pas envie de rencontrer un homme choisi par ses parents, mais quelqu'un qu'elle pourrait aimer sans subir de tensions, sans que ce ne soit une obligation. Peut-être que ce Jayden ressentait ça lui aussi. Mais tant que Victoria ne lui parlerait pas, rien n'avancerait vraiment entre eux. Julianna avait dit ce qu'elle en pensait, mais c'était à Victoria de rassembler son courage pour affronter ce sujet - elle comprenait pourtant les réserves de sa meilleure amie.

« Tu aimes un homme, et pourtant, tu étais auparavant avec une femme... Tu as changé de genre de préférence ? Ou... Tu aimes les deux ? » questionna-t-elle, sans doute avec énormément de maladresse.

Chez les Garrison, on ne pouvait aimer que le genre opposé. Et pourtant, Julianna n'avait jamais détesté son amie d'aimer les femmes, même si elle n'avait pas été à l'aise devant leurs marques d'affection. Mais ce qu'elle entrevoyait du secret de James la poussait à poser ce genre de questions, afin d'être mieux armé si son frère était effectivement homosexuel.

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Julianna & Victoria


Pendant quelques instants, juste quelques précieuses secondes, Victoria laissa tomba son entêtement naturel pour sincèrement écouter Julianna, pour essayer de comprendre ce qu'elle avait pu vivre à la mort de son époux, pour ressentir cette fragilité qu'il y avait encore dans son discours. Elle réarrangea un peu la couverture qu'elles avaient sur les genoux, juste assez pour pouvoir envelopper un peu plus Jules. Malgré leur divergence de point de vue assez évident à cet instant, Victoria ne pouvait pas ignorer les épreuves par lesquelles sa meilleure amie était passée, auxquelles elle avait fait face seulement entourée de sa famille. La fille Miller aurait aimé pouvoir être là pour elle à ce moment là, mais la vie en avait décidée autrement : Julianna s'était isolée, et Victoria travaillait bien trop pour réussir à réellement s'en préoccuper. Cela faisait partie des choses, d'ailleurs, qu'elle voulait changer dans son existence. Elle passait à côté de moments trop importants à mener la vie qu'elle menait, et venir à la campagne était finalement un bon contrat avec elle-même pour ralentir un peu la cadence et se soucier davantage des gens auxquels elle tenait. « Je comprends ton point de vue. » lui dit-elle, tout à fait sincèrement. Le sien ne changeait pas vraiment pour autant, mais elle saisissait ce que Jules essayait de lui faire comprendre. Cependant, il en fallait certainement plus à Victoria pour revenir sur ce qu'elle croyait savoir ; après tout, même fréquenter un caste trois ne semblait pas suffire à ce qu'elle se rende réellement compte de l'étendu du problème. Mais tout allait dans la direction d'une prise de conscience, même si son cheminement n'était encore qu'intérieur.

Victoria voulait comprendre. Qu'elle n'y arrive pas était encore un autre problème. Mais elle voulait comprendre. Elle voulait connaître le monde de Jayden, parce que la seule chose dont elle était sûre dans toute cette situation, c'était de son envie d'être avec lui. Et on ne construit rien sans s'ouvrir à l'autre, sans laisser l'autre nous apprendre des choses et sans partager avec l'autre. Sur ce point, elle était prête à faire une montagne d'efforts sans le moindre soucis. Elle était capable de s'ouvrir. Elle était toujours profondément perturbée par le sentiment de sécurité qu'elle pouvait ressentir quand elle se trouvait avec Jayden, même au beau milieu des bidonvilles, et c'était exactement ce sentiment là qui lui permettait de réussir avec lui à faire tomber un peu les masques pour être elle-même. Mais il demeurait une réalité : elle avait peur de ne pas être assez bien pour lui, ce qui lui semblait pourtant ironique. « J'ai envie de croire que tu as raison. Je tiens beaucoup à lui, et pour être tout à fait honnête, je crois que je souffrirais du fait qu'il n'essaie pas d'être... d'être simplement avec moi en acceptant qui je suis. » avoua-t-elle simplement. C'était aussi la vérité. Elle avait fait un nombre incroyable d'efforts depuis le début de cette relation, elle avait conscience qu'il en avait été de même pour Jayden, qu'elle le confrontait à des choses dont il n'avait pas l'habitude... et elle serait simplement déçue que les choses s'arrêtent. Elle garda ainsi tous les conseils de Julianna dans un coin de son esprit. Peut-être devrait-elle avoir une vraie conversation avec Jayden, poser les choses, savoir ce qu'il en pensait, peu importe combien l'idée d'être abandonnée pouvait lui faire peur.

Victoria ne parvint pas à retenir le léger sourire amusé qui était apparu face au changement subtil de sujet qu'apportait Jules à la conversation. Elle n'ignorait pas quelle éducation sa meilleure amie avait reçu et bien que la société actuelle se montrait tout à fait ouverte aux couples de même sexe, elle se doutait que cette réalité devait encore questionné des familles comme les Garrison. Heureusement pour Victoria, elle était à l'aise avec son orientation sexuelle, parce qu'on ne lui avait jamais reproché. Lorsqu'elle avait ramené une femme à ses parents, ces derniers avait simplement agit normalement, sans remarque, sans sous-entendus. Ils lui avaient simplement fait comprendre qu'ils trouvaient sa relation aussi légitime que si elle avait décidé de se mettre avec un homme. Aussi Victoria ne s'était-elle jamais vraiment questionné à ce propos, elle avait simplement laissé faire les choses. Ses préférences étaient bien la seule chose sur laquelle elle ne tentait pas d'avoir un contrôle absolu. « Je suppose que je suis attirée par les deux genres. En réalité, ce n'est pas quelque chose que je regarde réellement. » confia-t-elle simplement. « L'orientation sexuelle est l'une des rares choses sur laquelle on ne peut pas prétendre. Elle se définit bien trop tôt pour qu'on puisse y faire quoi que ce soit. Il y a toujours des personnes qui arrivent à faire semblant, voir à se convaincre eux-même qu'ils aiment le genre que la pression de leur milieu social ou familial leur impose, mais à quel prix ? » Victoria hésita quelques secondes, mais la question lui brûlait bien trop les lèvres : « Tu fréquentes une femme et tu ne sais pas comment me l'annoncer, ou la question était purement innocente ? »  
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Julianna retenait ses larmes, mais elle ne put retenir un sourire devant les paroles de Victoria. Elle savait combien sa meilleure amie était têtue, et était persuadée de la justesse de ses idées. Il lui faudrait certainement des mois, peut-être même des années, avant de changer et de s'ouvrir à d'autres façons de voir. Mais déjà, elle acceptait d'écouter, et Julianna s'en contentait.

Son couple allait certainement l'aider. Même si ça restait saugrenu d'imaginer Victoria avec un caste trois. D'autant que la politique de son père, qu'elle soutenait totalement, était assez peu aidante pour les castes déjà défavorisées. Julianna se demandait déjà comment le jeune homme voyait les choses - sortir avec la fille du président, quand on avait du mal à joindre les deux bouts...L'expérience devait être des plus étranges pour lui aussi.

Si les choses duraient entre eux, et Julianna ne pouvait que l'espérer pour le bonheur de son amie, ils allaient certainement avoir beaucoup de choses à apprendre l'un de l'autre. Victoria allait devoir beaucoup se remettre en question, et sans doute réfléchir à des sujets qu'elle devait tenir pour acquis depuis des années. Julianna avait presque hâte de voir évoluer son amie. Ce qui serait sans doute difficile, tant ils venaient de mondes différents. Les disputes seraient sans doute fréquentes, surtout au début, parce qu'ils ne se connaissaient pas encore bien.

« Je suis persuadée que l'important, c'est la communication. Parce que vous n'allez pas forcément comprendre l'autre, et comprendre ses agissements, au début. Vous avez des manières de penser différentes, vous avez été éduqués différemment... Alors plutôt que de s'énerver ou de se repousser, essayez de vous comprendre » conseilla-t-elle de son mieux.

Victoria semblait vouloir que les choses durent entre eux, et Julianna ne pouvait que lui conseiller ça. Surtout sans connaître l'heureux élu - mais elle le rencontrerait quand son amie serait prête. En attendant, elle serait là pour l'écouter et la soutenir si besoin. C'était à Jayden et Victoria de gérer leur couple et d'apprendre à se débrouiller ensemble pour gérer leurs différences et leurs incompréhensions.

En attendant, c'était à elle de travailler sur ses incompréhensions - comme le fait que Victoria soit avec un homme alors que sa précédente relation était avec une femme. Une relation que Julianna n'avait jamais vraiment jugée, puisque son amie avait toujours été plutôt sûre d'elle et avait présenté son amoureuse naturellement, sans tourner autour du pot. Jules n'avait pas osé partager ses propres réserves, issues de l'éducation catholique et traditionaliste qu'elle avait reçue. Elle savait, pourtant, que dans la société actuelle, l'homosexualité n'était plus considérée comme une tare, mais comme un état naturel. Ce n'était pas pour autant ce qu'on lui avait appris, et si elle avait dû repousser nombre des valeurs de son enfance, elle n'avait encore jamais eu le temps de réfléchir à tout ça...

Les explications de Victoria étaient pourtant limpides et claires, rendant les choses plus faciles à assimiler. En fait, Julianna n'avait aucun problème à imaginer sa meilleure amie avec un homme ou une femme, tant qu'elle était heureuse. Mais quand elle pensait à ses frères, et les imaginait avec des personnes du même sexe, elle avait du mal à retenir le rejet qui brûlait ses veines, les sermons de l'Eglise lui revenant en tête... Elle était partagée entre ces deux idées, et avait du mal à accepter sa propre intolérance alors qu'elle était sensée aimer ses frères comme ils étaient.

« C'est... C'est pas pour moi que je pose la question. J'aime les hommes, et je ne pense pas être un jour attirée par les femmes. »

C'était une certitude absolue, parce que si elle pouvait trouver ses amies ou collègues de travail jolies ou sachant se mettre en valeur, elle ne se retournait pas pour autant pour elles... Pas comme elle avait pu rentrer avec ce Jay rencontré quelques mois plus tôt, au point de le ramener avec un brin d'inconscience chez elle. Elle aimait les hommes, et ça ne changerait pas. Ce qui changeait, pourtant, c'était sa conviction d'être la seule à aimer les hommes dans sa fratrie.

« Mais Jessie, au moins, aime les hommes » reprit-elle, le prénom lui écorchant presque les lèvres.

Elle ne parlait plus à son cadet depuis des années, et si elle n'acceptait pas toujours ses choix de vie, il restait pourtant toujours dans un coin de ses pensées. Quoi qu'elle puisse penser et ressentir, il restait son petit frère, ce tout petit bébé qu'elle avait tenu dans ses bras à peine quelques heures après la naissance. Ce jour où sa mère lui avait soufflé que ce serait bientôt son tour, lui procurant l'une des pires crises d'angoisse de sa vie.

« Et James... Je crois que James aime les hommes aussi » murmura-t-elle plus bas, se recroquevillant sur le canapé. « Je crois qu'il s'est marié à cause de la pression parentale, et j'ai l'impression qu'il commence à ne plus vouloir se mentir... »

Elle plongea son regard perdu dans celui de Victoria, espérant que sa rationnelle meilleure amie arrive à la rassurer. Parce que Julianna ne savait absolument pas comment agir face au secret de son frère, et ce qu'elle croyait avoir découvert. Surtout que la question de Victoria résonnait encore à ses oreilles. Mais à quel prix ? Quel prix payait James pour ne pas avoir réussi à s'avouer plus tôt qu'il aimait les hommes et non les femmes ?

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Julianna & Victoria


"Je te le présenterai, s'il s'avère que c'est aussi réel pour lui que ça l'est pour moi. Je crois que ça m'aidera à mieux... à mieux gérer cette relation, peut-être. Ton avis est important pour moi." Elle était bien loin de se douter que Julianna et Jayden se connaissaient déjà, elle était à des années-lumière de simplement l'imaginer, et c'était certainement mieux comme ça. Il y avait des choses que Victoria n'avait définitivement pas besoin de savoir, des choses qui devaient être soigneusement conservées dans le passé, sans rejaillir. C'était certainement mieux pour tout le monde, certainement mieux pour ne pas briser les liens qui avaient pris du temps à se construire. Enfin, toujours était-il qu'à cet instant, il n'était plus question de Victoria. La conversation avait glissé, doucement mais sûrement, vers autre chose. Les interrogations de Julianna intriguèrent en premier lieu la blonde. Elle n'avait pas l'habitude d'être interrogée sur son orientation sexuelle. Elle-même, d'ailleurs, ne se posait pas forcément de question là-dessus, ayant pris pour acquis que les préférences ne se contrôlaient pas forcément... C'était, pour elle, comme de devoir expliquer qu'elle aimait le thé mais qu'elle n'avait rien, dans le contexte opportun, contre le fait de boire du café, finalement. Toutefois, Victoria tenta d'expliquer de la manière la plus claire possible ses pensées sur la question de sa meilleure amie. Si elle n'avait jamais ressenti elle-même un quelconque rejet de la part de Julianna lorsqu'elle lui avait présenté son ex, elle savait que son amie avait reçu une éducation qui n'admettait pas réellement l'homosexualité comme normale ou naturelle.

Néanmoins, Jules ne posait pas cette question pour elle-même, et l'attention de Victoria fut tout à fait tournée vers sa meilleure amie. Et en l'écoutant parler, elle commençait à saisir les contours du problème... tout du moins, le croyait-elle, jusqu'à ce que Julianna lui fasse part de ses doutes concernant l'orientation sexuelle de James, se recroquevillant alors que des hypothèses bien trop plausibles sortaient d'entre ses lèvres. Et le regard perdu qu'elle planta dans celui de la blonde lui arracha une partie du cœur. Elle n'aimait pas voir Jules dans cet état, avec cette inquiétude, ces doutes qui semblaient la tourmenter. Et, tout d'abord, elle décida simplement de se redresser pour venir passer un bras autour des épaules de Julianna, collant sa tête à celle de son amie. Un geste tendre qu'elle n'avait sûrement plus fait depuis des années, maintenant, qui lui manquait presque parfois. Elles avaient été si proches durant leur adolescence que, souvent, Victoria se demandait sincèrement comment elles avaient pu autant s'éloigner en devenant adultes. "Si c'est le cas, il doit certainement en souffrir." C'était la réalité la plus rationnelle qu'elle pouvait lui exposer et qu'il lui semblait important d'énoncer. "Je ne suis pas sûre d'être la mieux placée pour pouvoir donner des conseils sur la façon dont une aînée doit gérer ses liens avec ses cadets, pour des raisons évidentes..." Ses relations avec son frère et sa sœur étaient tout bonnement catastrophiques et elle se mentirait à elle-même si elle prétendait le contraire. "... mais je crois que tu devrais en parler à cœur ouvert avec James. Et ça ne sera une conversation agréable ni pour lui, ni pour toi. Mais elle est importante. Si tu m'en parles, je suppose que tu attends mon avis... Je vais te poser une question à la place. Qu'est-ce qui est le plus important à tes yeux ; ce que tu attends de ton frère, ou ce dont il a besoin pour être heureux ?"

Il n'y avait aucune accusation dans cette interrogation. Pour une fois, le manque d'empathie et la froideur de Victoria étaient des atouts afin de ne faire ressortir qu'une réelle piste de réflexion honnête et dénuée de jugement, qu'elle souhaitait offrir à Jules. Malheureusement, il n'y avait pas une bonne et une mauvaise réponse à cette question, elle ne demandait que la force d'être honnête avec soi-même. "Mais je t'assure, Jules, que l'amour entre deux personnes de même sexe n'est en rien différent de celui entre deux personnes de sexe opposé. Il y a les mêmes craintes, les mêmes espoirs, le même désir de construire avec l'autre, les mêmes engueulades pour quelque chose qui n'aura pas été rangé dans la cuisine... Il n'y a rien de pervers, rien de malsain. Deux personnes qui s'aiment ne sont jamais que deux personnes qui s'aiment, peu importe la façon dont le couple est formé." Loin d'elle la volonté de vouloir éloigner Julianna de l'éducation avec laquelle elle s'était construite. Victoria voulait juste se montrer tout à fait honnête, témoigner de quelque chose qui la concernait directement, finalement. Elle n'était pas totalement illégitime à donner ce point de vue, après tout.   
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Julianna hocha la tête avec enthousiasme en entendant Victoria parler de lui faire rencontrer Jayden. Elle ne connaissait pas grand chose de cet homme, mais elle n'avait pas envie de le laisser s'approcher trop près de Victoria, pour ne pas la laisser se faire briser le cœur une nouvelle fois. Surtout vu comment ce début de relation avait l'air encore un peu hésitant, sans doute gêné par toutes leurs différences et quelques soucis à communiquer - pas qu'elle les incrimine, parce qu'elle comprenait réellement leurs difficultés.

La rencontre ne semblait pas pour autant être pour tout de suite, le temps que le couple trouve un rythme. Julianna profita donc d'être avec Victoria pour lui poser des questions sur sa sexualité. Pas seulement pour mieux connaître sa meilleure amie, mais aussi pour répondre aux questionnements que les phrases sibyllines de James avaient éveillé en elle. Elle n'avait jamais pris le temps de se renseigner sur d'autres sexualité que celle qu'on lui avait vendue comme étant "normale", mais ses proches la poussaient à remettre beaucoup de choses en perspective. Et elle faisait confiance à Victoria pour répondre sans mentir et sans se moquer, malgré la certaine maladresse de ses questions.

Elle eut la surprise de sentir Victoria venir se blottir contre elle, mais le mouvement ne la fit que se détendre, pour se blottir un peu plus contre sa meilleure amie. Elle avait l'impression de redevenir une gamine, dans cette position qu'elles n'avaient plus prises depuis des années... Mais c'était agréable de sentir Victoria tout contre elle, sans une once de jugement, cherchant juste à la rassurer. Peut-être que Julianna n'avait besoin que de ça, que quelqu'un lui dise que tout allait bien se passer... Dieu que John lui manquait dans ces moments-là, lui qui savait toujours comment la rassurer.

« Je veux... Je veux que James soit heureux » marmonna-t-elle, presque surprise par ses propres paroles.

C'était pourtant la réponse la plus sensée. Mais ça allait à l'encontre de ce dans quoi on l'avait élevée, et des valeurs qu'on lui avait inculquée. Et peut-être que ces valeurs n'étaient pas les bonnes, mais ce n'était pas facile de tout remettre en question, d'un coup. Elle le faisait pour James, il la poussait à voir les choses autrement et c'était une bonne chose. Ça n'en restait pas moins difficile, et pas naturel.

« Je sais pas si on arrivera à en parler... James... James n'a jamais été très doué pour la communication. Il est pire que moi. Et je sais même pas ce qu'il assume et comprend de tout ça. »

Si elle avait du mal avec cette situation, elle n'osait imaginer ce que devait ressentir son frère. Lui qui avait grandi avec elle, avait reçu la même éducation qu'elle et se retrouvait à devoir assumer être tout ce que leurs parents pourraient renier... Il devait se sentir certainement encore plus minable qu'elle, le pauvre.

Julianna se blottit un peu plus contre Victoria, écoutant ses conseils et ses remarques. Les gens avaient toujours critiqué la froideur de la jolie blonde, depuis aussi loin que Jules pouvait se souvenir. Mais elle, elle aimait cet aspect très clinique et détaché. Ça l'aidait à réfléchir et à se détacher de ce qu'on attendait d'elle pour ressortir ce qu'elle pensait vraiment. Comme là, où les explications de Victoria l'aidaient à comprendre qu'elle ne voulait que le bonheur de James, quitte à ce que ça s'écarte du chemin tracé par leurs parents.

« Merci » murmura-t-elle à son amie. « C'est... Un peu plus clair pour moi. Je pense que j'ai encore besoin d'y réfléchir et de me poser. Mais après j'irai lui parler. En espérant ne pas être trop maladroite et ne pas le blesser. »

Victoria n'avait pas trop tiqué à la façon dont Julianna avait posé ses questions, mais elle était aussi sûre de ce qu'elle était et de qui elle aimait. James, en plein questionnement et infiniment plus sensible, aurait certainement une autre façon de voir les choses. La discussion allait certainement être compliquée, et amener beaucoup de larmes, mais il méritait qu'elle fasse cet effort pour lui.

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Victoria A. Miller

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Âge : 33 ans Nationalité : Américaine. Statut Matrimonial : Elle-même l'ignore. Métier : Ingénieure-développeuse à DoubleThink Seems you have to tell me something - Ft. Victoria A. Miller Evolpl10

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Victoria A. Miller
Throw on your dress and put on your doll faces

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Julianna & Victoria


Elle n'avait jamais été très douée, en réalité, pour rassurer ou consoler les autres. Si elle était une bonne oratrice, quelqu'un qui savait s'exprimer et capter l'attention d'un auditoire, elle avait néanmoins de grosses difficultés de communication dès lors que les choses sortaient d'un cadre professionnel. Pourtant, aujourd'hui, elle avait la sensation d'avoir été utile pour Julianna, d'avoir su trouver les mots pour la rassurer. Ou, en tout cas, pour l'aider à y voir peut-être un peu plus clair dans tout le mélange que devait être ses pensées à l'heure actuelle. Cela était certainement dû au fait que le sujet ne la touchait pas plus que ça, dans le sens où la potentielle homosexualité de James n'était pas pour elle un problème, mais simplement un fait avec lequel il fallait composer. Et cela était sans aucun doute dû également au fait qu'elle tenait sincèrement à Jules, et qu'elle ne voulait pas la laisser aller mal. Elle avait déjà manqué trop d'occasions d'être là pour sa meilleure amie, et c'était une chose qu'elle voulait absolument pouvoir changer. Victoria avait envie, et certainement besoin, de retrouver cette relation complice qu'elles avaient su bâtir lorsqu'elles étaient plus jeunes. En déménageant, l'aînée Miller avait pris conscience de l'isolement dans lequel elle s'était laissée glisser, et ce n'était plus quelque chose qui lui convenait réellement. Elle n'avait jamais été particulièrement sociable, et ne le serait probablement jamais vraiment, mais elle n'en restait pas moins humaine, avec le besoin de se retrouver en contact d'autres êtres humains.

Julianna voulait que James soit heureux, et quoi de plus normal après tout ? Victoria savait déjà à quel point tout serait difficile pour sa meilleure amie, à quel point cette situation la forcerait à remettre en question bon nombre de ses croyances. Victoria déposa un baiser sur la tempe de Jules, juste pour la rassurer, juste parce que les mots étaient parfois moins efficaces que les gestes pour faire passer un message. Elle voulait juste que la brune se sente épaulée, soutenue et surtout comprise, même si elle ne comprendrait probablement jamais tout à fait la totalité du trouble de Jules face à ce problème en particulier. "Il ne doit probablement pas en comprendre beaucoup plus que toi." glissa-t-elle, complètement neutre. C'était encore une fois un simple fait. Julianna et James n'avaient pas beaucoup d'écart, ils avaient reçu la même éducation, James s'était plié aux exigences familiales et sociétales en se mariant. Et Victoria ne doutait même pas un seul instant que cet ancien enfant un peu étrange devait être attaché à la femme avec laquelle il s'était marié. Il devait certainement vivre une situation d'une extrême complexité, actuellement. Le plus simplement qu'elle le pu, Victoria offrit à Jules son propre point de vue sur la question de l'homosexualité. Quelque chose de normal, pour elle, quelque chose d'acquis et d'accepté dans la société américaine actuelle, même s'il restait encore quelques familles - comme les Garrison - aux valeurs difficilement compatibles avec ce principe. Mais elle voulait lui exposer une réalité, le fait qu'il n'y avait rien ni de pervers, ni de malsain, ni de déviant dans l'homosexualité. Victoria se considérait elle-même comme une personne d'une telle droiture qu'elle en devenait rigide, ce qui donnait certainement un peu de crédit à ce qu'elle pouvait dire.

Que Julianna ait besoin de réfléchir à tout ça n'était pas une surprise et Victoria ne pu qu'esquisser un léger sourire. "Rien ne t'oblige à courir chez ton frère sitôt sortie de chez moi, c'est normal d'avoir besoin d'y réfléchir. Je ne t'aurais pas reconnue si tu avais sauté de mon canapé pour courir discuter de ça dans la minute avec James." plaisanta-t-elle, en essayant de détendre un peu l'atmosphère qui s'était fatalement appesantie. "N'attaque peut-être pas avec des questions aussi frontales que celles que tu m'as posé, je ne suis pas certaine que James pourrait vraiment les voir comme de simples interrogations. Ce serait prendre le risque qu'il le vive comme des accusations. Je crois que le plus important dans cette conversation future sera de lui montrer que même si tu ne comprends pas, même si c'est difficile pour toi à intégrer, tu es prête à le soutenir. Si tu te sens prête à le faire." Victoria se redressa un peu, pour regarder Julianna, lui sourire sincèrement et venir poser un baiser sur son front. Les marques d'affection de la blonde étaient définitivement réservées à une élite, dont Jules faisait partie. "Ça va aller, Jules. Je ne peux qu'imaginer la difficulté que vous allez avoir à surmonter tous les deux, mais homosexuel ou pas, il reste le même James que celui qui essayait de s'incruster dans nos soirées pyjamas. C'est ça qui est important à garder en tête, sa sexualité ne change pas qui il est." Et ça, elle le pensait très sincèrement. Elle et Jules avaient certainement mené la vie un peu dure à ce pauvre James, lorsqu'elles avaient été plus jeunes, mais Victoria conservait pour lui une affection pudique, liée fatalement au fait d'avoir grandi tant avec Jules qu'avec lui.  
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Julianna S. Garrison

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Cameron ♡

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Julianna S. Garrison
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Les mots de Victoria étaient encore une fois très justes... Bien sûr que James devait être perdu, plus que Julianna ne l'était elle-même. Ils avaient eu la même éducation religieuse, leurs parents leur avaient inculqué les mêmes valeurs. Se détestait-il maintenant qu'il se rendait compte qu'il aimait les hommes ? Surtout que contrairement à elle, il allait encore voir régulièrement leur famille et devait supporter les discours homophobes de leurs parents envers le comportement beaucoup plus libéré de Jessie.

Le cœur de Julianna se serra alors qu'elle se rendait compte de ce tout ce que devait endurer son cadet. Elle n'y aurait jamais pensé si elle n'était pas venue voir Victoria en quête de conseils et de réponses aux plus grosses questions qu'elle se posait, mais maintenant, elle ne voyait que la torture qu'il devait endurer. Et même s'il était ce petit frère un peu énervant, qui la suivait partout et lui courait parfois sur les nerfs, il ne méritait certainement pas de souffrir ainsi !

« Même si je n'avais pas besoin d'y réfléchir, je doute qu'il ait été prêt à m'en parler » avoua-t-elle dans une grimace.

Victoria avait raison, elle n'était pas du genre à sauter sur James pour l'enfouir dans un câlin plein d'amour fraternel. Ils avaient beau se rapprocher depuis la mort de John, ils n'avaient pas encore retrouvé leur ancienne complicité. Sans compter que James n'avait jamais été très tactile, et que c'était devenu pire à mesure qu'il grandissait.

« Je crois surtout qu'il a peur de nos réactions... Alors j'aimerai juste pouvoir lui faire comprendre qu'il restera toujours mon petit frère et que je m'en fiche de ça. Et j'ai besoin de réfléchir encore un peu à tout ça pour vraiment l'accepter. »

Julianna le murmurait doucement, rassurée d'être blottie contre sa meilleure amie pour s'avouer tout ça. Elle savait combien la plupart des gens de son entourage auraient été horrifiés de ses valeurs traditionalistes et sans doute dépassées, voire même de la pointe d'homophobie qui surnageait toujours dans son discours. Mais Victoria la connaissait bien, et ne serait pas blessée de ces quelques mots. Mieux, elle serait là pour aider Jules à changer doucement son avis, sans la brusquer.

Et Victoria était là, à embrasser son front et à lui parler doucement, la rassurant. Julianna avait du mal à comprendre pourquoi elle faisait partie des rares personnes à connaître la vraie Victoria Miller, et pourquoi cette dernière se cachait derrière un masque quand elle faisait face au reste du monde. Mais elle était ravie de pouvoir compter parmi ses rares amis !

« En fait, j'aurai peut-être dû me douter de quelque chose quand il s'incrustait à nos soirées pyjama, non ? Il a toujours été sensible et très mal à l'aise en société, mais sans doute parce que nos parents faisaient peser bien trop de pressions sur lui, le forçant à agir comme celui qu'il n'était pas... »

Julianna n'osait imaginer comment James vivait ce changement en lui. Et surtout, lui qui était si proche de leur mère et de leurs parents, comment il devait craindre leur réaction et la façon dont ils pourraient le repousser quand ils sauraient... Pour le coup, elle avait presque envie de rentrer pour le prendre dans ses bras et s'assurer que tout allait bien pour lui.

« Merci de m'avoir écoutée, Victoria. Je savais que tu saurais me conseiller, mais ça m'a vraiment fait du bien de pouvoir parler de tout ça » remercia-t-elle doucement.

Elle se sentait un peu plus légère maintenant qu'elle avait pu se libérer de ce poids, ne se rendant compte que maintenant de combien tout ça lui avait pesé. Victoria lui avait donné beaucoup de pistes de réflexion, mais elle repartirait de ce séjour dans la campagne de Virginie un peu plus ouverte et un peu changée. En mieux, elle l'espérait sincèrement.

☾ anesidora



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