Quelle délicieuse journée !
Après un peu avoir embêté E.V.A, je la laisse me conduire à mon lieu de rendez-vous. Je sais bien que je côtoie la ville depuis toujours, mais je suis du genre inattentif et volage. Quand je me balade, j'ai clairement la tête ailleurs en général. Je ne connais toujours pas tous les chemins pour aller à tel ou tel endroit. Je fais juste confiance à la petite chose qui me sert de guide et d'observateur. Finalement, enfin, on m’emmène jusqu'à un banc, assez dans l'endroit disons, le plus chic de la ville ! Pile en face de la maison la plus réputée des lieux. Deux hommes sur un banc, mais j'identifie bien vite lequel des deux, je dois interviewer. On se salut, je lui serre la main avec un petit sourire charmeur de journaliste. Finalement, les questions s'enchaînent et je ne peux m'empêcher de sourire. La discussion, en toute objectivité, est intéressante. Même si évidemment, certaines questions sont légèrement orientées politiques, le très gros des questions sont basés sur l'enfance, l'éducation et comment pousser tout ça à se développer. Evidemment, quand nous parlons d'éducation, la politique, le gouvernement mis en place, sont toujours mis en cause.

Alors que je me sépare donc de mon client du jour, je me rassois et commence à retoucher mes notes... Une voix, un geste brusque à mes côtés me fait sursauter. L'homme qui était là, assis depuis longtemps, se met... A me faire la morale ? Personnellement, je reste sagement assise et l'observe. Je l'écoute, attentivement et on peut dire, que c'est assez surprenant. Finalement, je souris et me lève, lui tendant la main, comme pour le saluer. Qu'il accepte de la serrer ou non, c'est autre chose. Quoi qu'il en soit, je souris, d'un air amusé et joueur.

- Enchanté, monsieur... ? Je m'appelle Finnik Down. Je suis en effet journaliste... Mais disons plutôt journaliste indépendant. Vous voulez le lien de mon site ?

Mimant sa pressente lubie, je ne lui laisse pas le temps de répliquer et je griffonne l'adresse de mon site avant même d'avoir fini la phrase précédente. Puis j’enchaîne.

- Ça ne vous dérange pas de me tutoyer et de critiquer mon travail alors même que vous ne le connaissez pas ? D'écouter une interview et de ne pas en entendre tout ? Je viens d'interroger ce monsieur sur l'éducation et l'enfance. C'est vrai que ça va en donner des arguments au président... faut-il encourager encore davantage les sorties au club d'escalade et donner plus de purée de carottes aux enfants même s'ils n'aiment pas ? Ouh. Quels arguments puissants de réélection...

Je souris largement, d'un air amusé. Comme lui, mon ton est très posé et pas réellement violent, mais les mots restent toujours aussi impactant. Je lui tends la feuille où est noté l'adresse de mon site, laissant quelques secondes de répit à mon interlocuteur avant de reprendre sur un ton bien plus posé et un débit de parole bien moins important.

- Comme dans tous les métiers, y a des nuances. J'ai conscience que mon métier n'est pas apprécié partout mais... Généralement, j'essaye de ne faire de mal à personne dans mes chroniques. Même si ça m'arrive de faire quelques petites missions pour certains partis, c'est généralement pour mon impartialité que je suis apprécié. Maintenant qu'une partie des présentations sont faites... On peut se tutoyer si tu veux.

Peu importe qui est vraiment ce garçon, il m'offre aujourd'hui un challenge intéressant.
En tant que journaliste, je suis souvent confronté à plusieurs types de galères et des rencontres plus atypiques les unes que les autres. Hors je l'admets, je ne suis pas sûr que cette situation précise me soit déjà arrivée. Un parfait inconnu venant presque m'insulter et se moquer de moi sur les fins de mon métier, hm... Un challenge intéressant est d'avoir des arguments plus ou moins intéressants et de réussir à esquiver les questions qui ne m'intéressent pas à répondre. L'air malgré tout très relax et l'air attentif, je l'écoute jusqu'à ce qu'il est terminé. Puis enfin, je fais mine de réfléchir, levant les yeux en l'air, tapotant doucement de mon stylo contre mon petit carnet clos.

- Si un boulanger ne fait pas tous les types de pains. Son métier, c'est malgré tout d'être boulanger. Quand on a la boutique, le four, les ingrédients et la recette, notre pain finira par exister. Qu'il soit gros, petits à graines ou grillé, ça importe peu. L'homme qui l'a fait, est boulanger.

Je souris doucement, désignant respectivement mon carnet comme le four, le stylo comme les ingrédients et ma tête comme la recette, je ponctue ma phrase ne ces termes, d'un petit mouvement sur chaque mot qui en fait la métaphore.

- Personnellement, j'ai le diplôme du journaliste, la carte, le salaire du journaliste et le moyen de diffusion d'un journaliste. Alors certes, puisque je ne touche pas à tous les pains, je ne serai jamais sacré artisan boulanger et ne remporterai pas de prix, mais qui dit que c'est vraiment ce que je veux ? Qui dit hormis vous, que les vrais boulanger sont ceux qui vous plaisent car vous voyez dans leur boutique le pain aux graines que vous aimez ?

Je fais exprès d'appuyer un peu trop la métaphore, pour deux raisons. Qu'il comprenne que malgré ce que lui souhaite, je suis bien considéré comme vrai journaliste même si je n'aborde aucun sujet vraiment important, grave ou politique, et la deuxième raison étant juste qu'il oublie sa question sur ma ligne éditoriale. Qu'il me laisse tranquille enfin, qui est-il pour venir m'embêter pendant une interview ? Ce que je n'ai pas noté risque de s'envoler de mon esprit, bien trop occupé à m'occuper de cet énergumène.

- En tout cas, Matt Nameless, il est plaisant de rencontrer des gens autant intéressés et avec des avis si marqués qu'il le défend jusqu'au bout. Vous savez, le métier de journaliste ce n'est pas si simple. Ceux qui veulent une bonne vie et un bon salaire, de bons points doivent forcement se rallier à la cause de The Alternative. Et ceux qui comme moi s'occupent des sujets plus petits et plus léger amassent moins de visibilité et moins d'amour des différents partis. Mais voyez vous, en tant que journaliste, on est mis devant la scène sous notre vraie identité et si un jour quelqu'un décide de m'agresser à cause de mon métier... Je n'aurai pas la protection de l'anonymat. Chaque métier à du bon, comme du mauvais. C'est comme ça que fonctionne n'importe quel système non ?

Je lui souris doucement. Evidemment, je parle beaucoup. C'est bien le but. J'ai bon espoir de l'embrouiller ne serait-ce qu'un peu. Au moins pour qu'il cesse de m'embêter avec mon soit disant faux métier de nuisible. J'aime mon métier, aussi imparfait soit-il ! Bon dieu, si E.V.A a le malheur d'écouter et je parie que c'est le cas, j'en connais une qui va me charrier sur le chemin du retour.

Je sens que E.V.A, va se moquer haut et fort de moi ce soir.
Elle que j’embête sans arrêt, va avoir un sacré embêtement à me proposer moi aussi. Je suis sûr que nos I.A respectives, se donnent à coeur joie et sont très probablement entrain de tout écouter, de tout enregistrer. Peu m’importe. Moi, contrairement à lui, je ne dis pas grand chose qui puisse être incriminant. Au contraire, je reste très cordiale, j’utilise des images pour m’exprimer et j’ai comme l’impression que mes images font mouche. Il fait une tête de plus en plus surprise à mesure que j’avance mes idées, il a les yeux qui s’arrondissent, tout semble bien fonctionner. S’il n’a pas décidé de me lâcher après ces mots, au moins, je pense qu’il a compris qu’il ne fallait pas qu’il m’embête de trop. J’aurais sincèrement adoré qu’il finisse simplement par partir, au lieux de quoi, il ne semble vraiment pas avoir envie de lâcher le morceau et de simplement le morceau. Non. Faut qu’il s’entête à ne surtout pas me lâcher. Mais malheureusement, ça veut bien dire que je vais devoir choisir parmi les options suivantes. Prendre la fuite, clairement l’envoyer paître ou jouer le jeu jusqu’à ce qu’il se lasse. Malheureusement, je reconnais son petit air dans le regard, je dirai bien que j’ai le même. Cette étincelle qui dit que c’est l’adversaire qui va devoir plier et surtout pas moi. Que je vais remporter le débat et que peu importe ce qu’il pourrait avoir à dire, j’ai de meilleurs arguments ou au moins, une exposition plus claquante. Malheureusement, le fameux Matt, semble vouloir s’obstiner.

Ses répliques sont intéressantes, les arguments aussi. Il a une réflexion qui ne manque pas d’intérêt, mais j’admets que sans une chaise sous le fessier et un petit verre d’un délicieux cocktails sans alcool dans les mains, c’est quand même moins confortable, moins amusant.

- Pourquoi j’ai choisi d’être journaliste ?

Un grand classique. Éluder le reste et ne me concentrer sur une question seulement. Voir même la reformuler différemment en gardant les mots principales pour en changer le sens, ça, ça marche généralement très bien si l’interlocuteur n’est pas attentif. Malheureusement je ne suis pas idiot et je sais, que ce cher Matt est très attentif. Je fais mine de réfléchir, levant les yeux, tapotant de mon stylo sur mon carnet comme piégé dans une sérieuse réflexion.

- Durant mes années d’étude, j’étais un ptit gars très enthousiasme. Plein d’énergie, de bonne fois, toujours le mot pour rire, un vrai clown. J’ai été pendant longtemps dans un club de théâtre, dans un club de photographie, oh quelle belle époque.

Je balance mon poids d’appuie sur ma jambe gauche, pour continuer à déblatérer mes sornettes. Toujours en agitant mon calepin.

- J’ai toujours été apprécié ou au moins, on me trouvait drôle. Peut-être que c’est parce que je m’en fiche mais de fait, je n’ai jamais eu réellement d’ennemis. Ou alors, c’était de mon bon vouloir que de les éviter. Hm. C’était vraiment sympa les études. Époque bénie ou je ne faisais que m’amuser, que je travailler un peu, mais pas trop. J’ai toujours été joli garçon. De fait... Théâtre, beau parleur, photographe. Ca suffit à devenir journaliste. Après un diplôme obtenu, j’ai décidé de gagner ma vie avec les sujets légers que tout le monde préfère entendre. Plutôt que de la politique justement.

Je me permets d’approcher un peu, de remettre le col de Matt droit, puisqu’il penchait sur le côté.

- Moi je suis sûr que si vous souriez un peu, vous seriez tout à fait séduisant mon cher. Puis-je disposer ? C’est que vous comprenez, mon horrible métier me prend beaucoup de temps, j’ai beaucoup de choses à rédiger pour cet article et quelques recherches complémentaires… Je suis sûr que vous comprenez que même les rats font partie de la biosphère.