Il avait proposé depuis des semaines de se pencher sur l'éducation. Après tout, ça n'était pas comme si c'était un point crucial de la survie du système mis en place. Entre inculquer les bonnes valeurs, sensibiliser au recyclage, à la politique, à la bienséance. Toutes ces choses qui rendaient important le futur de ces enfants qui allaient en apprendre plus chaque jour. Et tout ce qu'il leur souhaitait, c'était d'arriver dans la meilleure caste possible. Si ça ne tenait qu'à lui, il éviterait la caste 3, et changerait les critères. Dans le fond, toute sa famille était en caste 3 ou 2, et même s'il avait peiné à les considérer comme des proches pendant tant d'années, il avait tout de même su s'y faire, su y mettre du sien, bien évidemment au prix de sacrifices personnels, et d'un véritable travail sur lui-même. Malgré tout, il ne se sentait pas vraiment "famille" avec eux. Et très vite, il avait tout fait pour partir de cette famille et de cesser de n'être qu'un rien. Alors évidemment, il évitait de le dire aux gens. Et il essayait de ne pas trop parler de son ascension sociale, même si elle avait été particulièrement rapide, et pouvait très certainement être quelque chose d'important, peut-être aussi inspirant, pour les jeunes enfants qui n'avaient pas eu de chance à leur naissance, et qui voulaient faire les choses bien, ou évoluer dans la société.

Finalement, l'heure était arrivée, et après avoir vu les derniers détails avec sa costumière, qui gérait très humblement sa garde robe à chacune de ses apparitions, il avait pris un taxi électrique et s'était retrouvé devant l'école de l'île principale. Il souffla légèrement, comme pour se donner du courage, et se vêtit de son plus joli sourire. Voilà qui allait être une belle journée ! Il en était certain, et il ne voyait pas ce qui pouvait mal se passer. Une dame de service venait de l'accueillir et lui avait demandé de le suivre. D'ailleurs, était-elle vraiment une dame de service, ou un personnel encadrant de l'école, il n'en savait absolument rien ! Toujours était que la jeune femme l'avait amenée face à une porte, lui indiquant qu'il s'agissait du bureau de l'homme avec qui il avait rendez-vous. Il la remercia, et tapa trois coups à la porte. Une fois le professeur sorti, il lui sourit, et le salua. «Bonjour Monsieur O'Malley.» Il restait, comme toujours, poli face à l'inconnu. Il hocha la tête. «Je vous remercie.» Il serra la main de l'homme, avec un sourire. «C'est un véritable plaisir de me retrouver ici, merci de votre invitation. C'est une très belle école ici.» dit-il en souriant, et non par mesure de politesse, mais parce qu'il le pensait sincèrement.

   

Dans le fond, il avait hâte de rencontrer les élèves de cette école, de la visiter, cette école. C'était un vrai point d'honneur pour lui qu'il s'était mis. De faire de l'éducation une priorité au sein du gouvernement. Evidemment, il y avait des gens qui s'occupaient exclusivement de ce volet là, mais un oeil nouveau, et plus ouvert sur le reste des composants d'une vie et d'un système économique, politique et social, c'était tout de même quelque chose qu'ils voulaient mettre en avant. Alors, évidemment, le premier à s'être proposé, c'était lui.

Et malgré tout ce que ça représentait pour lui, il était particulièrement impressionné par cette école, le fait de rencontrer Monsieur O'Malley, également. En fait, il avait l'impression d'être de retour à l'école, cette vieille époque qu'il avait pensé avoir passé depuis si longtemps, alors qu'elle ne faisait que se montrer de diverses façon à lui, comme l'écho de souvenirs si lointains qu'il avait presque, l'espace d'un instant, oublié qu'ils existaient. «J'en serai honoré. Je voudrais bien un verre d'eau, s'il vous plait, sans vouloir vous déranger ou vous commander.» Dans le fond de sa voix, on pouvait entendre un peu d'émotion. Peut-être étaient-ce les échos d'une scolarité brimée par d'autres enfants ? Ou les effluves des félicitations qu'il avait si rapidement eues ? Entre joie et moments difficiles, il ne savait plus bien peser le bon ou le mauvais de cette situation.

Il s'assit, et regarda droit devant lui avant de ramener son attention au prénommé Marcus. Il essaya de se concentrer sur ses yeux, avant de bugger face à sa différence de couleur sur l'un puis sur l'autre. Au moins, il avait quelque chose sur quoi se focus pour essayer de contrôler ses petites angoisses naissantes. Il lui sourit, avant de répondre par la négative. «Je vous avouerai que non. Enfin, on a ciblé les classes les plus "âgées" mais je pensais que mon assistante en avait discuté avec vous.» Ouh.. Elle risquait d'en entendre parler, elle, si elle n'avait pas vu avec lui ce qu'il en était.

   

Il commençait à se sentir à l'aise à mesure qu'il réalisait qu'il était à l'endroit qu'il avait préféré pendant un peu plus de la moitié de sa vie : une école. Avec l'avantage que les enfants ne risquaient pas de lui dire quelque chose, et que si c'était le cas, il ne les reverrait surement pas. Pas comme lorsqu'il était élève, et qu'il subissait les moqueries des autres élèves à cause de ses idées parfois fantasques. Monsieur O'Malley était particulièrement sympathique avec lui, et lui avait proposé une boisson, qu'il avait accepté sans rechigner.«Merci beaucoup. Il écouta, patiemment, les dires du jeune homme, qui était d'ailleurs encore très jeune pour être déjà à sa place, mais c'était suffisant pour qu'il n'ait pas l'impression de se trouver face à un incapable.
Colin sourit en réalisant que sa secrétaire avait peut-être mal fait les choses, mais elle avait essayé d'aller au bout. Bon, au moins, elle n'était pas une parfaite incompétente, et c'était toujours mieux que rien. Jusque là, il avait accumulé les incompétents, et elle restait presque son dernier espoir. «Ce sera très bien. Est-ce que vous m'accompagnerez ou bien je verrais principalement avec les instituteurs ?» demanda-t-il, en essayant de ne pas s'angoisser de son intervention. Ca n'était pas essentiellement politique, mais surtout une question d'éducation, et d'encourager les enfants à s'instruire, pour pouvoir toujours atteindre leurs rêves. S'il avait voulu faire une avancée majeure pour le parti The Alternative, il aurait sûrement visé plus jeune. Non, il voulait simplement parler avec les élèves, même plus jeune, entendre parler de leurs rêves. Le message, c'était surtout que tout était réalisable; Et finalement, c'était sûrement ce qui l'angoissait le plus : qu'ils ne le croient pas. Et que certains passent à côté de leurs objectifs, même plus petits que ceux des grandes personnes. Et c'était ça, son message : de croire en soit. Tout était possible.

   

Le temps que Marcus ne lui apporte son verre d'eau, il observa la pièce. Il était plutôt joli ce bureau. Un peu moins sobre que ce dont lui avait l'habitude, mais jolie tout de même. Il y avait tous les éléments présents pour se sentir bien, et tous les éléments qu'il trouvait oppressants semblaient absent. Même s'il n'avait pas d'enfant, il n'arriverait jamais à mettre des photos personnelles dans son bureau. Ni même une agrafeuse personnelle ou des bibelots qui lui appartenaient. Il était pour la sobriété des éléments décoratifs dans le travail, puisque ça permettait une meilleure concentration à son goût. Mais chacun avait ses propres façons de se concentrer. Certains avaient besoin de musique, d'autres de silence. C'était à l'appréciation du principal intéressé. Et c'était bien mieux comme ça.

Une fois que Marcus lui amena son verre d'eau, il hocha la tête après l'avoir remercié, et pris une gorgée, avant de lui demander comment est-ce que tout cela allait être organisé. Il acquiesça à la réponse du blond, qui le fit sourire largement, se retenant de rire, comme on lui avait si souvent appris à faire.. «Effectivement, vu comme ça, il serait étrange que ce soit moi qui débarque seul dans la classe pour leur faire cours.» Il reprochait à son assistante d'avoir ciblé de plus petites classes. Si ça n'était pas ce qu'il avait prévu, il allait devoir adapter son discours en fonction. Bien, ça ne lui faisait pas peur. Après tout, même si c'était il y avait un moment, Colin aussi avait été un enfant, et il savait comment il aurait aimé qu'on lui parle à l'époque, de chacun des éléments qui lui auraient permis d'avoir plus facilement les bonnes clés en main. Peut-être même de changer sa vie sans perdre le contact avec ses soeurs, et un peu avec son frère...

Il se tira de ses pensées alors que le professeur lui proposait d'aller dans la salle de classe. Il avait avec lui un panneau à affiché, roulé par les soins de sa secrétaire, dans lequel il y avait comme un exposé de ce dont il allait parler. Il n'était pas tout à fait certain que ça ne fasse son petit effet, encore plus avec l'âge, mais peut-être qu'elle ne serait pas renvoyée si elle avait pris en compte l'âge maximal des élèves. Il offrit un sourire à l'homme et hocha la tête. «Oui, bien sûr ! C'est une excellente idée, je trouve.» Histoire aussi de connaître son environnement. Il se leva en attrapant son verre d'eau, et sourit à Marcus, en l'attendant. «Je me pose plusieurs questions à votre sujet. Vous êtes plutôt jeune, qu'est-ce qui vous a donné envie d'être enseignant si vite, et surtout, de choisir l'histoire ? Après tout, c'est un fardeau lourd à porter, l'histoire de notre monde, vous ne pensez pas ?»

   

Il resta silencieux un moment, avant de laisser un sourire s'échapper de ses lèvres.   «Oulà, non. Je ne pense pas être suffisamment compétent pour me glisser dans la peau d'un professeur..» dit-il en laissant échapper un petit rire un tantinet nerveux. Non, il n'était clairement pas fait pour l'enseignement, ça n'était pas un secret. Et il savait que ce que faisaient les enseignants n'était pas toujours de la tarte, entre la maîtrise de la classe et du calme des élèves et les multiples sujets qu'ils devaient arriver à traiter sans se mêler les pinceaux. Alors, certes, il avait une certaine culture et une maîtrise de certaines compétences et données en permanence, mais lui, avant toute allocution, il se préparait son discours. Discours qu'il avait toujours sous les yeux, ce qui, dans ses souvenirs, en tout cas, était bien lointain du rôle de ses professeurs, qui faisaient tout de tête.

Et puis il avait l'habitude de parler à des adultes, il n'avait aucune confiance en quelque talent pour s'adresser à des enfants. S'il n'avait jamais eu d'enfant, ça n'était pas pour rien non plus. Bien que c'était également parce qu'à ses yeux, il fallait être marié et former une véritable famille, pas comme celle que lui avait eue. Cependant, il ne s'était pas penché sur l'adoption pour une excellente raison. Bien que ça lui aurait fait gagner des points, il avait tout de même un certain sens moral, bien qu'il s'évertuait à le cacher pour pouvoir laisser parler son ambition. Mais concernant cela, c'était plutôt sa morale qui parlait. Les enfants, à ce moment là de sa vie, seraient malheureux avec lui.

En revanche, des professeurs passionnés, il y en avait. Il en avait un devant les yeux au moment où il parlait, d'ailleurs. Il eut un sourire assez enthousiaste quand Marcus O'Maley lui racontait les raisons de son choix. Et dans un sens, il se disait que des gens passionnés, c'était sûrement la plus belle chose qui restait au monde tel qu'il était actuellement. Il haussa les épaules. C'était bien un point avec le quel il entrait constamment en désaccord avec Liam Miller. L'enseignement du passé avant les catastrophes naturelles ne devait pas être étudié de l'unique point de vue que c'était un amas d'erreurs des anciens. «Voilà une façon très belle d'envisager l'histoire. Et aussi une très belle passion, en tout cas.» Est-ce que ça se faisait de féliciter les gens pour leur passion ? Surement pas. Alors autant éviter de dire et faire n'importe quoi. Il offrit un gentil regard au jeune homme, qui semblait légèrement plus jeune que lui, d'au moins trois ou quatre ans. Mais il avait une belle façon de voir la vie en tout cas.

   

Colin avait beau avoir un avis très tranché sur la place de chacun dans la société, il savait parfaitement qu'il y avait des gens bien, même dans les Castes plus basses que la sienne. Pas tout le monde n'avait la chance d'avoir un job au gouvernement, et parfois, selon comment on commençait dans la vie, sans les bons outils, c'était plus difficile de s'en sortir. Voilà qui n'avait pas été son cas, il avait eu beaucoup de chance, vraiment. Il était reconnaissant à toutes les personnes qui avaient croisé sa route et qui lui avaient donné les bons filons. Parce que grâce à ça, il était aujourd'hui le Ministre de l'intérieur. Pour un enfant né en Caste Trois, il savait que ça n'était pas anodin.

La phrase de Marcus lui arracha un nouveau sourire, avant que Colin ne se décide à hausser les épaules. tout ça, il était loin d'y croire vraiment.«Je ne suis pas sûr que ce ne soit un cadeau qu'on fasse aux enfants que de m'avoir en tant que professeur, très honnêtement.» Il n'avait aucune fibre avec les enfants, aucun atome crochu. Et comme ses soeurs lui disaient si souvent, il n'était pas même gentil ni patient avec les gens, hors de ses fonctions d'homme médiatisé parce que Ministre de l'intérieur. Alors, il n'allait pas se risquer à essayer d'inculquer quelque valeur ou théorie à des enfants qui, à son goût, ne seraient peut-être pas assez réceptif. Et puis, il n'avait clairement pas suffisamment de patience pour cela.

Il sourit et hocha la tête à ce que le professeur disait. Il était plutôt d'accord. C'était aussi pour cela qu'il se renseignait assez souvent sur tout ce qu'il y avait à voir et à savoir dans les prises de décisions, et les mesures. Le gouvernement de The Alternative veillait scrupuleusement au moindre détail. Et c'était ce à quoi le politicien croyait. Alors, évidemment, il ne risquait pas de contredire l'homme face à lui.


Le temps passa, et vint l'heure de se présenter à la classe. Globalement, l'échange était intéressant, et malgré leurs jeunes âges, les élèves semblaient plutôt intéressés par l'échange que Colin avait tenté de démocratiser pour des enfants de plus jeune âge. S'il avait appréhendé cette rencontre, il en sortait plutôt ravi, et quand il arriva dans le couloir, en compagnie de Marcus, il lui sourit et lui présenta sa main pour serrer la sienne, et il eut cette espèce de moue de hocher la tête. «Merci beaucoup pour votre accueil, c'était vraiment très intéressant.» Il sourit et repris. «Vous avez beaucoup de chance, ces enfants sont vraiment de braves petits. Et ils ont de la chance de vous avoir comme enseignant.» dit-il avec une large admiration pour l'homme qui se tenait face à lui.