2019 : Les températures pulvérisent tous les records. Le réchauffement climatique s’étend, ses conséquences touchent même les pays les moins exposés. D’ici cinquante ans, prédisent les experts, notre terre aura changé de visage. Le monde est au bord de la rupture. Il faut faire quelque chose, agir, réagir, scandent les écologistes sans que leurs appels ne soient réellement pris au sérieux. Narcissisme gouvernemental ou inconscience collective, peu importe à qui revient la faute. Les résultats de l’inertie globale ne se font pas attendre. Les dommages sont mondiaux. Irréparables.

Chaque année, les températures battent de nouveaux records. Chaque année, l’humanité glisse un peu plus loin sur la pente de l’irréparable, s’enfonce un peu plus profondément dans ses mauvaises habitudes. Vagues de chaleur meurtrières, sécheresses implacables, ouragans destructeurs, tsunamis dévastateurs. La planète convulse, entraîne dans ses contractions désespérées la disparition d’espèces, faune et flore, déjà menacées. La fonte continue des glaces fait monter le niveau des océans, lesquels ne tardent pas à grignoter les contours des terres dont l’homme se pensait le maître.

En 2030, c’est un véritable exode planétaire qui commence. Les villes les plus modestes sont abandonnées au profit des mégapoles, plus à même de se prémunir contre les désastres. Partout dans le monde, des mesures sont prises, des lois sont changées, des territoires redessinés. Et partout dans le monde, des voix s’élèvent. Pour une vie parfaite.

Washington, DC. L’arrivée massive de migrants venus de tous les Etats-Unis met à mal l’équilibre déjà précaire de la ville. Émeutes. Hausse de la criminalité. Désistement du gouvernement. Politique de l’autruche. Les nouveaux arrivés sont cantonnés en périphérie de la ville, dans des parcs mobiles montés dans l'urgence qui se transforment rapidement en véritables bidonvilles.

Il faut attendre 2062 pour qu’une solution se profile. Un parti nouveau, exempt de toute tache, remporte les élections. The Alternative. Ni Républicain, ni Démocrate, ses engagements promettent un retour à une vie normale, à des valeurs saines, et à une sauvegarde de cette planète bleue mise à mal. Des propos qui sécurisent ceux qui ont besoin de l’être et enthousiasment les nouvelles générations décidées à bâtir un avenir meilleur. Et, au fil du temps, le pari semble gagné. The Alternative noue des alliances, fonde un partenariat avec une entreprise digitale en pleine expansion, « DoubleThink » afin d’éveiller les habitants à la politique tout en leur fournissant des applications destinées à améliorer leur quotidien. E.V.A., c’est le nom du système d’exploitation phare déployé sur tous les appareils, enregistre les données utilisateurs et les transmet au gouvernement, qui s’assure par ce biais du respect des lois et des décrets votés.

Constamment surveillés, les citoyens sont notés selon leurs actes, et reçoivent ou perdent des points en fonction de ces derniers. Régis par un système de castes, les habitants ont ainsi accès à plus ou moins d’avantages (emploi, logement décent, statut social) selon leur classement. Ainsi, la plus basse caste culmine à 119 points alors que la plus haute en compte 300 au minimum. Lentement, mais sûrement, l’étau de ce qui a d’abord été considéré comme une évolution sociale bénéfique se resserre. Les applications deviennent de plus en plus intrusives. Indispensables. Et, dans l’ombre, les doutes persistent, prennent de l’ampleur. De nouvelles questions se posent. The Alternative, miracle moderne ou danger dissimulé ?